lundi 18 novembre 2013

Dérives ultramarines

 Ils ont du pain sur la planche les ayatollahs aztèques !
Et la planche en question, elle est sacrément savonneuse.
Côté institutionnel, côté public, côté ganadero, côté organisation, côté communication... ça fait beaucoup de côtés pour un cercle aussi vicieux que celui sur lequel surfent aujourd'hui les empresas et les toreros.

Les lignes qui suivent ne prétendent pas décrire une vérité absolue : elles sont le simple constat d'une sarthoise qui a assisté à moins d'une dizaine de courses là-bas, de l'autre côté.

A Guadalajara cette année, en pleine feria, dans le centre ville, il n'y a pas une seule affiche de la course du dimanche. Hormis le placard en 8 x 4 qui borde le périphérique, on peut trouver quelques carteles sur les murs de Tlaquepaque, une banlieue qui dispose d'une arène en propre (plaza que presque aucun habitant n'est capable de situer, soit dit en passant).

Aux arènes, les batacazos (somme toute assez fréquents même si la maladresse des hommes en est régulièrement à l'origine) déstabilisent manifestement autant le public que le... heu... disons... écuyer. On voit bien certaines personnes applaudir lorsque le toro pousse et renverse le cheval, mais c'est de manière embarrassée, en évitant le regard courroucé - ou pire, indifférent - du voisin.
Quant à la deuxième pique, elle est honnie. La chance n'est donc jamais donnée au toro de se grandir ni au public de se mettre en apnée et de frémir.

La surenchère des trophées ne choque évidemment personne ici. Le 10 novembre à Mexico, à chaque fois que le palco a sorti les 2 oreilles (3 fois pendant la course), il y a eu pétition de la queue. Et aussi 2 pétitions d'indulto. Ce qui a choqué la franchouillarde que je suis, au-delà de la déconnante disconvenance de tant de largesse, c'est le mécanisme froid avec lequel ces pétitions ont été faites.  L'industrialisation de la reconnaissance. Le manque d'alegria. Et l'absence totale de symbolique.

Last but not least : la présentation des toros.
Inutile d'en rajouter, les toros qui sortent dans les ruedos mexicains sont dans l'ensemble épouvantablement et ridiculement présentés. Et si l'on excepte quelques blogs et 3 banderoles de porras plus ou moins actives (équivalent de nos peñas), personne ne songe à dénoncer l'indécence des trapios et des têtes. Ici, on lutte pour la réhabilitation du toro de 4 ans. On en est là. Le sujet n'est évidemment jamais évoqué par les médias. De toutes façons, à ma connaissance, il n'y a pas de presse taurine au Mexique.
A certains encastes près, le toro mexicain est intrinsèquement moins présenté que le toro européen, origine oblige. Les toreros espagnols (trop contents de cette aubaine, surtout en cette période où les contrats se raréfient de ce côté-ci de l'atlantique) menacent les empresas mexicaines de ne pas venir toréer si les toros ont une taille "normale" et sont dans le type. Les empresas (qui remplissent copieusement les arènes et gagnent de l'argent - le prix des places est majoré - lorsqu'un espagnol est à l'affiche) non seulement cautionnent ce type de demandes mais s'en servent comme appât pour racoler les têtes d'escalafon en Europe !

Quant aux toros de regalo... S'il n'y avait plus que ce problème-là...  

Pour autant, ce qui me fait dire que la tauromachie au Mexique va vraiment très mal, c'est qu'il n'y a même plus d'antis qui manifestent à Mexico avant les courses. Il y a deux ans, ils se déplaçaient. Cette année, même pas. 
Ça, et puis aussi la certitude jupitérienne avec laquelle les aficionados vous disent qu'ils sont "muy exigente". 

Et pourtant...

Les cuadrillas à pied se comportent plutôt bien (et même franchement  mieux qu'en certaines places réputées sérieuses de France et d'Espagne). Pour ce qui concerne les hommes à cheval... bah, là, on peut pas vraiment savoir.
Les ganaderos ne "fundassent" pas (encore) leurs toros.
Les toros ne sont certes pas lidiés mais quelques-uns sont loin d'être inintéressants. 
Un petit carnet bien fait (semblable à celui qu'on nous remet lors des corridas concours mais plus complet) est fourni avant les courses dans certaine arènes.
Quelques juezes de plaza (l'équivalent de nos présidents) font de la résistance et certains savent même rappeler à l'ordre les brigands qui s'octroient d'autorité des oreilles non attribuées et les font descendre des épaules de leurs complices.

La crise économique affecte beaucoup moins le public mexicain que nous : il en souffre depuis tellement plus longtemps qu'il y est habitué, s'est organisé en conséquence, et ça ne constitue pas un motif de désaffection des arènes.
Or, les mexicains aiment aller aux arènes. Pas forcément pour les mêmes raisons ni avec les mêmes attentes que nous, mais ils aiment ça. Ils aiment voir des hommes banderiller (ce qui arrive de moins en moins et ça, ça les agace grave). Ils aiment les passes de capote tarabiscotées et des passes de muleta templées. Ils apprécient une mort al recibir.
Ils aiment voir des hommes triompher de manière ostentatoire. Mais je ne crois pas qu'ils en voudraient à qui que ce soit si ces hommes en question se jouaient la vie avec panache et triomphaient face à une véritable adversité.

Zanzibar

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