samedi 29 novembre 2014

UVTF 2014 : la fin de Clochemerle


Photo © Javier Machín

Écrire sur l’Assemblée Générale de l’Union des Villes Taurines Françaises a toujours été un petit plaisir. Il y avait vraiment de quoi se délecter des querelles intestines, rivalités d’importance et autres petites phrases lapidaires  lâchées en catimini.
Les temps changent. Les rivalités sont toujours présentes mais les discours qui étaient taurins et réglementaires se sont déplacés sur le terrain des anti-taurins.
La menace est énorme, réelle et puissante. François Guillaume de Mont de Marsan parle de guerre, de plan de bataille, d’organisation méthodique et richissime. Face à cela, le monde taurin et l’UVTF en particulier ne s’est pas encore armé pour les affronter. L’ONCT présidé par André Viard travaille  en étroite collaboration avec l’UVTF mais aujourd’hui sans réel financement.
Les défenses seront avant tout politiques ; le lobbying  auprès des instances dirigeantes, une obligation. C’est ce lobbying abolitionniste qui a failli être fatal aux éleveurs de toros. Le parlement européen de Bruxelles voulait retirer les primes à la vache allaitante pour les éleveurs de toros braves. Cette prime est donnée à tous les éleveurs de race bovine hors production laitière. Le couperet n’est pas passé loin. Moins de 30  voix.
L’organisation et les plans de bataille de l’UVTF ne doivent plus seulement contenir les assauts de l’ennemi mais aussi contre-attaquer. L’éducation des jeunes, fait partit des plans mais avant de rentrer dans les écoles, la tauromachie doit être validée au patrimoine immatériel français. Ce sera le seul moyen pour les préfets de ne pas avoir à répondre à toutes les sollicitations abolitionnistes afin d’interdire des expos, des débats, des spectacles et autres promotions tauromachiques dans nos écoles.

Pour l’instant, c’est donc sur un terrain externe aux lieux d’éducation laïques que les relais associatifs devront agir.
Le financement de tout cela est programmé par prélèvement de 1% sur toutes les couches des intervenants du spectacle : cachets des toreros, factures des éleveurs, ventes des billets…
Voilà le tableau et les réjouissances qui nous attendent. Rien n’est gagné. Demain peut-être les mémères à leurs chiens-chiens qui vocifèrent à l’entrée de nos arènes auront disparu mais le malin sera toujours là, à l’affut d’une mauvaise loi ou d’un amendement assassin.
La relâche n’existera peut-être jamais. Nos politiques doivent veiller. La tauromachie espagnole ne sera qu’un début. Les autres tauromachies (portugaise, camarguaise) sont déjà inscrites dans les plans de bataille, le gavage des canards, les chasses…

Pour finir, sur des choses plus légères, les propositions d’agencement du règlement taurin :
Mise en place de l’arrastre lent afin d’honorer plus longtemps le toro. C’est vrai qu’entre sifflets, applaudissements, vuelta et indulto, on ne savait pas trop quoi choisir. Il en manquait !

Le meilleur pour la fin : allonger de 3minutes la faena si le toro et le torero sont très bons. Alors là, c’est le pompon de la pomponette. Les toreros mettent toujours 3 à 4 mm avant de rentrer enfin dans la faena et de s’engager pour de bon. Réduire systématiquement de 3 minutes aurait été plus logique et utile pour le spectacle.

Je terminerai en citant le maestro Antoñete : "Il y a des faenas qui durent quatre minutes et beaucoup trop qui en durent dix. Mais dans aucune grande faena il n’y a jamais plus de 20 passes parfaites."

Laurent Giner

mercredi 26 novembre 2014

Légende urbaine et vérité taurine

Si un jour vous voyagez au Mexique et que vous allez faire quelques emplettes au Palacio de Hierro (l’équivalent des Galeries Lafayette ou du Corte Inglés) du quartier de la Condesa, ne soyez pas surpris de ressentir tout à coup un froid envahissant, ne vous inquiétez pas de cette présence pesante et impalpable qui semble vous poursuivre. C’est le fantôme du "Torero de México", Alberto Balderas, qui vient vous saluer. 
Il faut savoir que l’emplacement situé entre les avenues Valladolid, Oaxaca et Salamanca n’a pas toujours été occupé par un grand magasin. Avant que ne s’y pressent chaque samedi les mexicaines atteintes de fièvre acheteuse, les aficionados s’y rendaient le dimanche pour aller voir des courses de toros. De 1907 à 1946, à cet endroit exact, se trouvait les arènes nommées El Toreo de la Condesa. 
Il faut également savoir qu’avant d’être réduit à l’état d’ectoplasme errant entre articles de maroquinerie et épilateurs nouvelle génération (ceux qui sont censés ne pas faire mal), Alberto Balderas Reyes fut un des dieux de Mexico. En l’espèce, on peut parler d’idole. 

La légende du Palacio de Hierro est née en plein hiver. Un 29 décembre.

Balderas avec son dernier trophée

On est en 1940 et, à 16h00 ce jour-là, Andrés Blando se prépare à vivre l’un des plus importants moments de sa vie de torero : il va prendre l’alternative des mains de la plus grande figura du moment, Alberto Balderas. Les 6 toros sont de Piedras Negras. José González “Carnicerito” complète l’affiche en qualité de témoin.
Le parrain cède son premier toro, Lucerito, au jeune Andrés. Ensuite, Balderas coupe l’oreille de Rayado après s’être fait soulever sans mal. Puis Carnicerito accueille Cobijero. Capote, piques, banderilles. Il va alors prendre la muleta et lâcher le toro des yeux, juste le temps de s’approcher de la présidence pour lui demander la permission de tuer. A cet instant, Cobijero menace de se ruer sur l’homme. Le chef de lidia attire son attention pour le détourner de Carnicerito et court au quite.
La corne lui est entrée dans le foie. Balderas est mort avant d’arriver à l’infirmerie.
Les témoins de cette course tragique affirment que pas moins de 7 toreros en piste étaient vêtus de nuances de jaune...

Andrés Blando n'est pas devenu un grand torero mais il a fait son petit bonhomme de chemin... sans jamais être blessé pendant les quelques 30 années qu'il a passées dans les ruedos !
Il reçut sa première cornada le jour de sa despedida. Alors qu’il avait lidié ses deux adversaires, les deux derniers de sa carrière, il est revenu en piste pour faire un quite au sixième toro de la course... et c'est là qu'il s'est fait prendre. C'est la corne du toro d'un autre qui l'a lui aussi attrapé. Baptême tragique, despedida sanglante, et au milieu, une vie de modeste torero.

Zanzibar

vendredi 21 novembre 2014

UVTF : congrès annuel

Mon premier a le mérite d'exister.
Mon second est long à la détente.
Mon troisième est contrôlé par les grosses arènes.
Certains ne viennent que pour bouffer à mon quatrième.
Mon cinquième va se dérouler ce week-end.
Il peut ne rien se passer à mon sixième.
Mon septième n'existe pas en Espagne.
L'esprit saint est vivement souhaité à mon huitième.

Mon tout est une association, une institution, un repaire de passionnés ou de calculateurs, un "machin" qu'on nous envie, un espace où se diluent les meilleures résolutions, une communauté d'individualités qui manque de souffle et d'audace.

C'est ?

El Ubano

mercredi 19 novembre 2014

Les cicatrices de Luis Freg

Luis Freg à Céret en 1927 - Toro brindé à Miqueleta

 

Collection E. Delpont

Il y a quatre-vingts ans et quelques jours que Luis Freg est paradoxalement mort d’une noyade alors qu’il tentait de sauver une femme (ou un enfant) des eaux du río Palizar, au Mexique. 

Avant le 10 novembre 1934, Luis Freg aka « Don Valor » aka « El Rey del Acero » était déjà mort à plusieurs reprises et avait connu plus d’une fois les affres de l’extrême onction mais ce jour-là, aussi invraisemblable que ça puisse paraître, il est mort pour de vrai. Dans l'eau. Pas dans le ruedo.

Outre son courage, ses mises à mort contraires spectaculaires et ses multiples survivances, ce torero hors du commun s’est illustré en étant le premier mexicain à s’enfermer seul face à 6 toros à Mexico, il est aussi le premier mexicain à couper un rabo sur le sol européen. Son autre intrépidité marquante aura été d’être le premier torero à oser prendre l’aéroplane pour rallier les arènes de Palma de Mallorca à partir de Barcelone.

Le dénombrement de ses blessures en aura fait gloser plus d’un et, à la fin de sa vie, la vérité doit se situer entre soixante-dix et une centaine. Il se dit que c’est grâce à ses cicatrices qu’on a pu formellement l’identifier après sa mort.

Dans « Toros en Céret », Paul Ey parle de Luis Freg comme de l’homme aux cinquante-six blessures (on n’est qu’en 1927), qui donna aux céretans « le goût du courage et de l’estocade classique ».

Zanzibar

samedi 15 novembre 2014

Les tuiles de Canelo


Il n'y a pas de Peña Miguel Canelo. Il est le grand oublié des apéros-tapas et des tertulias, Miguel.
Lui et ses copains du boulot avaient un goût prononcé pour l'esquive et la feinte aux abattoirs de San Bernardo.
Au début c'était pour s'amuser. Et puis on se prend au jeu..."quite" à recevoir une secouée on essaie de faire un peu plus que le collègue, on s'enflamme, pour peu qu'une cigarière passe par là...

Pour ne rien arranger, la cigarière a rameuté deux copines et une jeune veuve pleine de promesses, et tout ce petit monde a grimpé sur le toit de tuiles. Au début, ils étaient dix mais maintenant, ils sont cent cinquante et d'ailleurs ça tousse au conseil municipal qui a dû prévoir comme chaque année une rallonge au budget pour remplacer les tuiles « pétées » par les admirateurs de Canelo et autres furieux de son espèce. Canelo nie.

Il n'y a pas de distraction populaire possible dans ce faubourg de Séville, à part le flamenco et les règlements de compte. Les Francisco Brunete, Jose Huebo, ou les frères Conde font un tabac, surtout auprès des cigarières, au point de démissionner et de ne plus se consacrer qu'à leur lucrative passion.

Les spectateurs rappliquant des quartiers chics, l'affaire a pris un tour inattendu, ainsi notre Miguel Canelo entre dans l'histoire en recevant la première rémunération connue de torero : 2100 réaux pour l'année en 1733, d’après les archives municipales.
Il en gagnait mille environ en tant qu'employé. Madame Canelo a vu tout de suite qu'elle pourrait changer plus souvent son éventail et l'huile de la friteuse.

Déjà en 1601, l'article 18 du règlement de l'abattoir prévoyait «  Que l'on exerce garde et vigilance du toril », on essayait alors en vain de sauver quelques tuiles, les premières cassées avaient été signalées en 1546.

El Ubano

Merci à Antonio Garcia Barquero et Bartolomé Bennassar, historiens.

mercredi 12 novembre 2014

La honte

Juste avant, il y avait eu 5 toros qui faisaient regretter d’avoir arrêté de fumer. A cet instant précis, on savait déjà qu’on se souviendrait longtemps de cette course. Mais quand le sixième est sorti, là, on a compris qu’on sortirait de la plaza un peu plus vieux qu'on y était entré.

Cantinillo a surgi. Désordre dans le callejon. Les photographes sont rentrés aux abris. C'est un signe. Un peu comme quand la mer se retire avant le tsunami. Port de tête altier, présence impressionnante. Désordre en piste. Il faut passer le trait, aller le piquer le toro là où il est. Désordre dans le public. Batacazo. Désordre partout. Solitude de Bonijol. Magnifique manso con casta, toro sauvage et de combat.

Je ne sais pas à quoi pense Alberto Lamelas quand il va chercher la muleta. A quel moment sait-il qu'il ne va pas esquiver, qu’il va opter pour le chemin des cicatrices ? A-t-il simplement sombré dans la folie ou  bien dans la sidération ?
Après la première tanda, l'homme est toujours en vie mais ça n'est pas définitif. Trois rustiques séries plus tard, Lamelas ne nous a pas montré la gauche mais il nous a montré quelque chose de bien plus rare : il nous a montré que le sens de l'honneur n'était pas une fantaisie héritée des vieux livres.

Estoconazo.

Moi qui étais allée à la course peinarde, avec mon bic et mon couteau, prête à m'offrir comme souvent le luxe, depuis les tendidos, de dédaigner les toreros malhabiles, et bien je vous jure que là, face à tant de courage, j'ai eu honte. 

Zanzibar

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Pour ceux qui n'aiment pas lire, voici la même histoire
 racontée par Bertrand Caritey (que j'embrasse au passage)


Cantinillo - Lamelas - Vic 9 juin 2014 (photo Bertrand Caritey)

Cantinillo - Lamelas - Vic 9 juin 2014 (photo Bertrand Caritey)

Cantinillo - Lamelas - Vic 9 juin 2014 (photo Bertrand Caritey)

Cantinillo - Lamelas - Vic 9 juin 2014 (photo Bertrand Caritey)

dimanche 9 novembre 2014

L'Art du Toreo (II)

"La conséquence de l’abandon de ces règles [les règles classiques qui sont la pierre fondamentale de tout le toreo : parar, templar, mandar], c’est que le toreo a été réduit de moitié ; on lui a enlevé sa part la plus belle, celle qui passe avant tout, celle que j’appellerai « le blanc de poulet du toreo ». Dans cette part, le torero affronte le taureau en lui tendant la cape ou la muleta tenue devant soi ; à mesure que le taureau entre dans le terrain de l’homme, celui-ci va s’adaptant à l’élan de la bête, s’appuyant sur la jambe contraire, en même temps qu’il avance celle-ci de face ; c’est-à-dire détournant le taureau en même temps que l’homme atteint à la profondeur. Tout ceci, à mon avis, naturellement.

Certes si l’on s’en tient seulement au côté visuel, un torero peut s’écarter des règles classiques s’il possède une forte personnalité, ce qui peut se produire pour mille raisons : sa façon de marcher par exemple, ou encore sa façon de s’habiller, de se mouvoir, de rester immobile, bref, pour bien d’autres facteurs encore qu’il est inutile d’énumérer et qui lui permettent d’enthousiasmer les spectateurs, entraînés par la force de cette personnalité, bien que son toreo et les règles qu’il applique soient négatifs. C’est pourquoi il est indispensable de montrer aux jeunes générations de toreros qu’on ne peut pas copier les personnalités, parce que chacun a la sienne, et de le diriger dans le chemin des règles classiques. Sinon, nous en arriverons à ce que tout garçon qui veut être torero s’engagera dans les chemins tracés par ces toreros de forte personnalité.

Un torero dont la formation a été positive a besoin de cinq ou six années d’alternative pour arriver à la maturité de son art ; au contraire, même les plus doués de ces jeunes gens-là, au bout du même délai, n’arriveront qu’au résultat inverse : ils n’auront pas avancé d’un pas, et les taureaux (attention : je parle de TAUREAUX) les tiendront en leur pouvoir. Et dans ce cas, ce qu’il leur reste de mieux à faire est de renoncer à la profession.

Il faut insister, il faut faire tout ce qui est possible pour que les nouvelles générations prennent le bon chemin. Nous devons croire que les hommes d’aujourd’hui ont autant de valeur et autant d’intelligence que ceux d’hier. Par conséquent, si l’atmosphère est créée, nous aurons déjà la base. Mais il faut aussi, et absolument, être intraitables sur le sujet des règles. J’ai vu, ces dernières années, quelques jeunes doués de grandes possibilités, pour avoir suivi les règles classiques : ils possédaient la taille, la valeur, l’aficion, la volonté de réussir. Mais l’atmosphère du public et des aficionados ajoutée aux résultats économiques, les a enveloppés. Tout cela et, naturellement, la plus grande facilité qu’ils y trouvaient, les a poussés à prendre le chemin le plus commode…"

Domingo Ortega

Extrait de l'Art du Toreo - Conférence prononcée à l'Athénée de Madrid le 29 mars 1950

jeudi 6 novembre 2014

Algo Bar


Ouvrir un bistrot à la retraite, un « boui-boui » qu'on ferait marcher les soirs quand il fait bon, le matin quand on sait qu'il fera chaud, et surtout les jours de course, bien sûr.

Ces jours-là il y aurait effervescence.

On sortirait les olives noires, les chips bio de chez Blanc et les graisserons de canard. Dix clients à la fois maximum !... après c'est l'usine. Et puis juste deux ou trois petites tables dehors sous le tilleul.

Question boisson on a prévu simple : une seule catégorie de bière, de la Mahou à 1,50 euro le demi dans un verre en verre.

Trois sortes de vin : un tempranillo joyeux, un blanc sec sans acidité mais sérieux et un vin doux à peine sucré mais typé. Deux euros dans des verres à vin .

Sur commande on proposera un menu à 8 euros les midis de Toros :

- Pois chiches au chorizo ou oreilles de cochon

- Pastis de Téthieu ou pâtisserie berbère ou pastèque

- Le pain et une boisson sont compris

Mais il n'y aura ni café, ni infusion, à cause du bruit que fait la machine à café quand on sollicite la vapeur qu'on sait plus ce qu'on cause. Et puis à part le tilleul le lieu n'est pas propice aux infusions.

Doit-on, oui ou non, mettre de la musique ? On a manqué de s'engueuler là-dessus...
Avec ma gazelle on discute de mettre la télé... pour les jours de Cuadri ou de Dolores, on réfléchit mais on va la mettre, c'est sûr... En plus d'un géranium dégringoleur rouge et un tableau noir avec le sorteo écrit à la craie dès 14h.

Reste à trouver un endroit, près des arènes mais au bord de l'eau.

Et un tilleul.


El Ubano