mardi 29 septembre 2015

Les réponses au Jeu des Captures - Manche 3


Capture 1 - Ne nous fâchons pas de Georges Lautner (1966)


Les figuras :  
  • Tendido 69
  • JotaC * 
Les novilleros
  • Marc : Le rapace
  • El Nuevo : Avec la peau des autres
Les espontaneos :

 

 

Capture 2 - Aprendiendo a morir de Pedro Lazage (1962)

 

Les figuras :  
  • Marc
  • JotaC *
Les novilleros
  • Tendido 69 : Le moment de la vérité
Les espontaneos :
  • El Nuevo : La 7ème compagnie (l'illustre scène du "j'ai glissé, chef !") 


Capture 3 - Les sept mercenaires (The magnificent seven) de John Sturges (1960)

 

Les figuras :  
  • El nuevo
  • JotaC *
Les novilleros
  • Tendido 69 : Major Dundee
Les espontaneos :


Capture 4 - Mala Noche de Gus Van Sant (1986=

 

Les figuras :  
  • Tendido 69
  • JotaC *
Les novilleros
Les espontaneos :
  • El Nuevo : La vie d'Adèle  

Capture 5 - Jappeloup de Christian Duguay (2012)

 

Les figuras :  
  • Tendido 69
  • Marc
  • El Nuevo
  • JotaC *
Les novilleros
Les espontaneos :

Capture 6 - Un singe en hiver de Henri Verneuil (1962)

 

Les figuras :  
  • Tendido 69
  • Marc
  • El Nuevo
  • JotaC *
  • El Ubano 
Les novilleros
Les espontaneos :

 

 

Capture de regalo (moins de 18 ans) - Ferdinand le Taureau (Ferdinand the Bull) de Walt Disney (1938)

 

Les figuras :  
  • Tendido 69
  • El Nuevo
  • JotaC *
Les novilleros
Les espontaneos :

Capture de regalo (plus de 18 ans) - Torero de Joe D'Amato (1996)

 

Les figuras (dont vous saurez apprécier les remates et adornos) :  

  • Tendido 69 : Torero avec Rocco S. et olivia del Rio
  • Ronda : Torero avec Rocco Siffredi et l'énorme (...) Roberto Malone, le plus grand acteur italien, né à Torino comme le Maestro, né le 31 octobre comme la Nina...
Les novilleros
Les espontaneos :
  • El Nuevo : Colchonero chez les nudistes
  • JotaC * : Frascuelo chez les nudistes
####################################

* Avant d'attribuer les prix de fin de saison, l'organisation estime être en devoir de publier in extenso la faena de JotaC... 

"Chère Madame et néanmoins Emmanuelle,

Êtes-vous consciente que la simple évocation de votre prénom ravive en tout cinéphile les flammes incandescentes langoureusement assoupies des démons qui l'habitent ? Savez-vous seulement combien de fantasmes inavouables hantent encore les méandres limbiques de la mémoire érectile, bégayante et acnéique des adolescents que nous fûmes (à l'époque où l'on pouvait encore fumer !) ?… des flopées, Madame… des flopées, oui !

Et, voyez-vous l'effet que cela produit dans l'inconscient collectif en forme de tiroir caisse des vendeurs de fauteuils en rotin ? Car pour eux, en l'espèce, vous fûtes une bénédiction, Emmanuelle...

Mais tout cela, vous le savez. Vous le savez, Madame, et, vous en abusez avec autant de circonspection que de concupiscence.

Alors puis que vous êtes d’humeur badine ne boudons pas notre plaisir, ne badons pas davantage et jouons, vous en serez baba !

Mais surtout, quoi qu’il arrive, ne nous fâchons pas, restons courtois car entre nous, bien sûr, estime, respect et fair-play sont résolument de mise… n’est-ce pas ?

Misons donc sur chaque vignette comme si le parcours qui nous attend, pauvres cinéphiles taurins que nous sommes, n’était pas volontairement tortueux, escarpé, semé d’embûches diverses et de chausse-trappes variées. Avançons donc à pas comptés… torero… montera en main dans un ruedo hostile… torero certes mais prudent.

Tiens, tiens, dès la fin du paseo, le piège ! Lino Ventura… Ventura… y’a-t-il un lien avec Diego… Ventura ?

Attention, pas de précipitation, on a dit prudence.   « Passe cette énigme et va voir la suivante, tu y reviendras plus tard, mon garçon, méfiance… » me dis-je dans mon for intérieur, « saute allégrement l’obstacle ! »

Miné. Le terrain est miné et le danger partout. Comme on dit au sud du Mans, « estoy aprendiendo a morir »

Soyons pragmatique : repli stratégique et flashback sur Ventura… « qui dit Ventura dit canasson… Hermoso de Mendoza, non ?... rusée la dame… zorra… Zorro ? Non, pas Zorro… mais Don Diego + (Ventura) cf.  Don Diego de la Vega – {Tornado + negro} = Vega + toro…Toro de la Vega, CQFD… Génial, non ?  Oui, mais c’est pas un film ça ! Ohhhh putainnng !

« Sang froid…calme et self-control… torero… surtout, rester torero… ».

Même si l’envie vous vient d’engager Les sept mercenaires et de leur proposer le contrat du siècle… zen… calme… serein… surtout rester torero.

A quatre heures du matin, moins zen, moins calme, moins serein… Mala noche = moins torero, plus taré. 

Nuit blanche et lune pleine, un cocktail détonant qui me conduit du hennissement de Jappeloup en montant crescendo jusqu’au hurlement final du loup-garou. « Il suffit Madame, il suffit… décidément, vous êtes retorse et machiavélique à outrance ! (c’est en Mayenne, Outrance) mais vous ne m’aurez pas… vigilance totale ! »      

Comment pensiez-vous le cinéphile averti avec une ficelle aussi grosse ! Jean-Paul Belmondo toréant des voitures, facile dirons les naïfs, un singe en hiver. Et bien sachez que je ne tombe pas dans le panneau, il s’agit de la suite, moins connue mais plus grandiose encore, un orang-outan ne fait pas le printemps. A moi, on ne la fait pas, Madame !

Et puis inutile d’envoyer des fleurs et des mièvreries de Walt Disney pour amadouer, y’a pas écrit Ferdinand, là !

Il est grand temps Madame que les masques tombent. Innocents ceux qui pensaient vous connaître, Emmanuelle… Innocents car ils n’ont rien compris, ils n’ont rien vu venir, ils n’ont pas suspecté derrière la sainte, l’ombre de la nitouche... Mais je vous ai percé à jour, Madame vous êtes la Torquemada des salles obscure et  votre dernier cliché en est la preuve. Il m’aura torturé jusqu’au bout de la nuit, Frascuelo chez les nudiste, un remake austro-moldave de mon curé chez les nudistes qui détaille les frasques du jeune Frascuelo quand il tâtait de la flasque.

C’est pas joli-joli tout ça et surtout pas digne d’une sœur, Emmanuelle, d’une sœur en afición !

Il est temps que les masques tombent…"

JotaC

 ####################################

Résultats de la manche :
 
  • El Ubano : 1 point (salut discret aux planches)
  • Ronda : 1 point (vuelta sous division d'opinion)
  • Marc : 3 points (oreille très fêtée)
  • El Nuevo : 6 points dont le point de l'humour drôle ou pas (deux oreilles mais Le 9 a décidé de sortir à pied sans que personne ne comprenne pourquoi)
  • Tendido 69 qui prenait l'alternative : 6 points (deux oreilles avec petite pétition de rabo mais le palco est resté inflexible, sortie a hombros)
  • JotaC : 7 points (deux grosses oreilles, le public en liesse en a oublié de demander le rabo, sortie a hombros qui s'est tragiquement terminée à l'infirmerie par la faute d'une foule d'aficionados qui se sont jetés dans le ruedo pour toucher le Maestro, lui arracher les cheveux, les doigts, les yeux, etc. Pronostique grave...)

####################################

Remise des prix et trophées :

  • Prix "De salute gregis" : Clément (pour ses deux dernières espantadas)
  • Prix de la "Virgen del Roble"  : El Ubano
  • Prix "Soeur Sourire" : Ronda
  • Prix des "Chartreux de Xeres"" : Marc
  • Prix "Cura de Valverde" : El Nuevo
  • Prix "El Santo" : Tendido 69
  • Prix "Papa Negro" : JotaC
Toreros ! Toreros ! Toreros ! ! !

Zanzibar

samedi 26 septembre 2015

L’héritage de Gaona (2)

Gaona ne s’est pas contenté de verser sa gaonera au grand dictionnaire des passes du 20ème siècle. Il nous a aussi légué sa fameuse « Paire de Pampelune » (qui rendait verts de jalousie les toreros banderilleros de l’époque) ainsi qu’un nombre impressionnant de « buzz » (qui aurait de quoi rendre verts de jalousie ceux qui, depuis, ont fait de la rumeur et du retentissement médiatique une véritable stratégie de carrière). 

On dit que tout le monde s’arrêtait de respirer pour mieux le regarder clouer les bâtonnets. On dit que Joselito ne l’invitait pas à partager les banderilles par esprit de competencia mais pour le seul plaisir de le regarder accomplir la suerte comme nul autre en son temps.
En marchant face au taureau, juste un instant avant l’action, invariablement, il choquait les extrémités des deux banderilles avant de lever les bras, d’opérer la réunion et de poser par le tout haut, comme si les banderilles étaient collées l’une à l’autre. Puis, il économisait ses mouvements et sortait en marchant, s’éloignant respectueusement du toro, au même rythme que celui qu’il avait en s’en approchant, tout aussi respectueusement.

Un jour à Pampelune, comme tant d’autres jours ailleurs, Gaona a été ovationné. C’était le 8 juillet 1915, au temps où la photographie était en plein essor et sa technique en plein perfectionnement. Ce jour-là, Aurelio Rodero était dans les gradins. Il a pris la photo de ce qui deviendra la plus populaire paire de banderilles de la galaxie tout entière : El Par de Pamplona. Le toro (de  Concha y Sierra) s’appelle « Cigarrito ». Si l’on se réfère aux reseñas de l’époque, ce ne fut pas un deuxième tiers extraordinaire pour Ganoa, mais juste une très bonne paire. De ce cliché mythique, on a fait des statues, des affiches de film et des boites d’allumettes. Certains sont devenus toreros grâce à cette photo…

Côté « buzz », le pauvre Gaona aura été servi. A peine eut-il passé la bague au doigt de l’actrice Carmen Ruiz Moragas qu’on ne parlait plus que de leur couple dans les journaux… En effet, son mariage avec El Indio Bravo n’avait pas incité la belle à quitter son amant, l’amour de sa vie, le Roi Alfonso XIII. Gaona, si respecté dans les ruedos, n’a pas supporté d’être la risée de tout le monde taurin et extra-taurin dès qu’il mettait un pied dans la rue. Au bout de deux mois, il divorçait. 

Quelques années avant, ce fut Maria Luisa Noecker qui lui valut la une des journaux pendant plusieurs mois et quelques 22 jours de prison. El Diario, El Imparcial et El Pais rivalisaient de scoops au sujet d’une sombre affaire de viol rématée par le suicide de la jeune Maria Luisa à laquelle aurait été mêlé le torero. Le feuilleton a subjugué le Mexique. L’opinion publique « qui a toujours raison » a agoni Gaona avant que les petites gens ne prennent la défense de leur héros et n’aillent en masse se poster devant la prison de Belen pour réclamer sa liberté. Le torero en est sorti sous caution. Et sous l’ovation. On n'se r'fait pas !


Source : Discover Yale Digital Content & Fondo Diaz de Leon
 Zanzibar

mardi 22 septembre 2015

Granier en Vic

Puff....
Vingt rencontres... ne font pas le printemps, on sort de là un peu dépité malgré quelques départs en fanfare de novillos qui donnaient l'illusion, qui fermaient la "gueule" et qui ont été solides. Le cinquième était le meilleur, il poussa en trois rencontres et permit à Guillermo Valencia de placer cinq séries convenables. Le sixième était bravito mais Galdos décida qu'on le "décanillerait" en quatre méchantes piques et son  subalterne obtempéra avec zèle. Les trois premiers partaient de loin, plutôt spontanément mais, dès le deuxième tiers, le manque de race prenait le dessus on se retrouvait avec rien dans la muleta, rien qui passe et qui revienne.  

Manuel Vanegas (Vénézuela) a placé un grand coup d'épée au premier et un bon estoconazo au quatrième (oreille).
Guillermo Valencia (Colombie) : une tendida et estocade au premier se satisfaisant d'une pescuecera au cinquième.
Joaquin Galdos (Pérou) : de mauvais poil, expédie d'une estocade son premier et se fait "bronquer". Il ne passera pas à la postérité en tuant son second, pinchazo et bajonazo.

Le club tautin vicois annonça en début de spectacle que la novillada de Hoyo de la Gitana présentant des signes de boiterie dans les corrales, il leur avait été substitué un lot de Alain et Gérard Granier, embarqué tard la veille et débarqué en fin de matinée.

Grand ciel bleu, un gros quart d'entrée et deux euros cinquante le tout petit gobelet de petit vin rouge dans le grand troquet en face des arènes. 

El Ubano

lundi 21 septembre 2015

Toros de muerte

Le 17 juillet 1895, Laurent Tailhade répond à Séverine, journaliste réputée, féministe de la première heure, rebaptisée « Notre Dame de la Larme à l’Œil » par ses confrères et farouche militante auti-taurine qui pleure les chevaux plus encore que les taureaux et a contre les « matadors, espadas, chulos et autres singes coiffés, une haine de femme, une répugnance que nulle dialectique ne saurait infirmer ».

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§


[…] Ayant formé le dessein d’apporter quelques éclaircissements dans un débat que l’incompétence des contradicteurs obscurcit d’autant qu’il se prolonge, me faudra-t-il écarter les opinions grotesques, les péladaneries et les dires de notre Joséphin que l’idée même d’un acte intrépide sature de dégoût. Et d’abord, les chevaux, ces pauvres chevaux si cruellement questionnés par le bourreau de la Plaza ! Séverine elle-même, tant opposée à l’art de tauricider, passerait presque sur les autres jeux de la Lidia, laisserait volontiers l’homme et le taureau s’expliquer ensemble si l’on épargnait, une fois pour toutes, les minables carcans des picadors. Ayant, quant à moi, une âme peu accessible à la protection des animaux, j’avoue ne pas ressentir la moindre peine à l’éventrement des rossinantes nécessaires pour mettre d’aplomb le taureau, premier que d’intenter les coups définitifs.

Avec le chat préféré des imbéciles prétentieux et le chien lubrique aux immondes senteurs, je ne connais pas d’animal plus odieux que la « conquête » de Monsieur de Buffon, ni qui mérite davantage l’animadversion des honnêtes gens. N’est-il pas l’occasion de mille sottises nidoreuses, le prétexte d’imbéciles conversations, l’un des plus fermes appuis de la mondaine stupidité ?
Cela, j’en conviens, ne suffirait point à supplicier l’énervant quadrupède.
Mais, ô deuil ! le cheval est un élément indispensable du toreo, tel que l’ordonnèrent, au siècle dernier, Costillares et le divin Romero : tant que, le jour où les chevaux disparaîtront de l’arène, les courses auront vécu. […]

Dans les corridas, au lieu d’un bel animal sacrifié, c’est une hideuse rosse, bonne, au plus, à voiturer un fiacre, que guettent les sangsues ou bien l’équarisseur ; c’est un cheval hors d’usage qui, au lieu de traîner, quelques semaines encore, ses rhumatismes et de fournir un travail dont ses forces le rendent incapable, est frappé d’une mort cruelle, mais rapide, et dont il endure le premier coup sans l’avoir même pressenti. 

J’ai dit que cette mort est indispensable. Voici pourquoi. De tous temps, les taureaux se combattirent à cheval. Les Espagnols aussi bien que les Maures ne conçurent point d’autre manière d’attaquer le monstre et de fuir devant lui, tant que le toreo fut un amusement réservé à l’aristocratie. Les banderilleros et la ¨Première Epée¨ n’eurent un rôle prépondérant que depuis la réformation de la tauromachie, advenue, comme chacun sait dans la première partie du dix-huitième siècle. Si l’art moderne a supprimé la lance et le harpon, laissant aux caballeros en plaza ses armes grossières, il a dû conserver un jeu qui, seul, met en évidence la force, le courage et l’élégance du taureau. A la première attaque contre le picador, une épée digne de ce nom et même un amateur quelque peu clerc jugent ce que tiendra, jusqu’à sa mort, la bête sortant du toril.

Quant au spectacle en soi de l’étripaillement, quant à l’aspect des entrailles pendantes, je ne pense pas qu’il soit pour émouvoir beaucoup un aficionado ; c’est un accident indispensable et prévu. Mais ce que je peux affirmer sans crainte c’est que le connaisseur véritable ne se délecte aucunement d’une pareille malpropreté. L’éviter d’une façon absolue serait l’idéal même de la tauromachie, idéal que la rareté des bons picadors rend de plus en plus inaccessible. Aux temps héroïques des Sevilla et des Corchado, l’on donnait au taureau « plus de fer que chair ». Rien n’était moins extraordinaire que de maintenir un cheval contre plusieurs attaques. L’anecdote est connue du Martincho qui paria et gagna son pari de piquer les six taureaux d’une corrida sans que son cheval reçût la moindre égratignure. Mais c’était alors une époque fertile en bons gladiateurs, ceux qu’immortalisait Goya ; dans une fureur d’apothéose, des tauromaques robustes comme Hercule et Samson ; des porte-glaive si beaux qu’ils dormaient, parfois, dans le lit des infantes et que les reines leur jetaient des baisers.

Ô splendeurs évanouies
Ô soleils disparus derrière l’horizon !

Quant au grief d’inconvenance et de féminité dans le costume, ne pensez-vous pas qu’il ne faut rien avoir à reprocher à ces braves pour les taquiner ainsi ? […]
Cette accusation d’indécence me parait futile et quelque peu entachée de mauvaise foi. Avant d’incriminer le collant trop ajusté de personnages qu’un faux mouvement peut livrer à la corne meurtrière et qu’un pouce d’étoffe inutile rendrait moins vifs dans telle suerte où la précision du mouvement doit être impeccable, sous peine de mort : le quiebro, par exemple, ou l’estocade portée en volapié, daignez contempler ce qui se passe, avec l’agrément de la censure dans nos estaminets chantants. J’ai vu naguère – peut-être aux « Ambassadeurs » – un drôle immonde, largement déculotté, en ballerine, qui, avec des contorsions tout à fait basses et des gestes de la plus bordelière volupté, mimait la danse du ventre pour la grande satisfaction des mères de famille et des pères philistins qui avaient conduit leurs héritiers dans ce tripot. Ah ! rendez-moi, de grâce, l’élégance des souples toreros, et l’emphase des costumes espagnols, et la résille de Figaro, et les passements d’or, et les vestes couleur du temps qui semblent soutachés par quelque Rosine amoureuse… 

Et maintenant, car il faut toujours conclure, maintenant direz-vous, ô lecteur bénévole ! Sied-il d’introniser en France l’art surhumain de la tauromachie ? 
Oui, certes. Mais à peu près de même qu’il conviendrait d’y cultiver l’ananas dans les champs et de remplacer le modeste roseau par d’opulentes à cannes à sucre. 
Les combats de taureaux, sous un ciel brumeux et dans un pays de froidure, ne seront jamais qu’une parodie exécrable, qu’un leurre à gogos manœuvré par des faiseurs auxquels ne chaut en aucune manière l’art de Montés et de Pepe Hillo. 
En effet, c’est une condition primordiale que la bête destinée à ces jeux héroïques n’ait jamais dormi sous un toit, lorsqu’elle entre dans l’arène. Cette loi repose sur une connaissance si parfaite du taureau qu’au dire de tous les connaisseurs, une cause de dégénérescence est le transport en wagon de ce noble bétail. Or, à moins de faire porter d’Andalousie ou de Navarre vos bêtes de combat (ce qui accommoderait assez mal, je suppose, les industriels camarguais), quel abri donner aux élèves de France pendant la mauvaise saison ? Bien que la neige soit chaude en Provence, au dire du Marseillais, je doute que les bouvillons s’en trouvassent aussi bien que du soleil indéfectible, que des pâturages éternellement verts du Jénil ou du Guadaleté.

Laurent Tailhade -  Extrait du texte paru dans L'Écho de Paris du 17 juillet 1895.