dimanche 28 décembre 2014

Histoire louche

Malesherbes

C'est une constante à Dax, l'essentiel se situe au mois d'août.
Par exemple, en 1767, le marquis de Poyanne avait pensé organiser une corrida autour du 11 août. C'était manière de cajoler le petit peuple mais aussi d'épater un visiteur d'exception : Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, directeur général de la Librairie Royale, membre de l'Académie des Sciences et premier président de la Cour des Aides. Le genre d'invité en perruque que l'on cale directos à l'ombre au callejon entre une gloire rugbystique et un restaurateur étoilé. Sauf que, patatras, la hiérarchie s'oppose en la personne pénible du maréchal de Richelieu, gouverneur de Guyenne et Gascogne, qui coince sur la question depuis une dizaine d'années.
De Poyanne, bien que marquis n'en est pas moins joueur et contourne l'obstacle avec entêtement en proposant un spectacle taurin dans le style de chez nous.
Et voilà le compte-rendu que Chrétien Guillaume, peu reconnaissant, en fera :
« Ce sont point des taurestations à l'espagnole ; on envoie simplement un taureau déjà un peu méchant de son naturel dans une place où il y a beaucoup de populace. Il en saborde quelques-uns. Et quand on a bien ri, on l'apaise avec perfidie car c'est pour le mener à la boucherie ; et on m'assure qu'il n'en arrive jamais d'accident fâcheux. Je le conçois d'autant moins que j'ai demandé si au moins on leur coupait les cornes et qu'on m'avait assuré que non. Jusqu'à ce que cela me soit expliqué, je suis de l'avis de M. de Richelieu. »

C'est donc bien la preuve que déjà en 1767 on ne « coupait » plus les cornes des taureaux à Dax.
On garde cependant le mot « taure-station » pour les jours où les toros n'avancent pas ou sont bloqués en gare .

El Ubano

Anecdote pêchée dans « Adour  histoire d'un fleuve » de Serge Airoldi

mercredi 24 décembre 2014

Joyeux Noël !

C'est en vain qu'à la place un vague connaisseur
Prétend, à peine assis, s'ériger en censeur
Et de la corrida pouvoir juger les phases.
Si de cet art majeur il ignore les bases,
S'il n'en sait le crédo du début à l'amen,
Si sa vocation s'est faite dans "Carmen"
Ou, de l'insuffisance outrepassant les bornes,
S'il n'estime un taureau qu'à l'ampleur de ses cornes,
Mieux vaut qu'il y renonce et qu'à bien réfléchir
Au cinéma voisin il porte son loisir.
*

François Piétri


NB : en ce qui me concerne, pour Noël, à la place d'un poème, j'aimerais autant un appareil photo...


Zanzibar

* Source : Planétaire du passé - Toros n°1864

lundi 22 décembre 2014

Quelques-unes d’entre elles

Cuadrilla de las Noyas

Las Señoritas Toreras Catalanas

Forcément, je ne peux faire l’impasse sur la première fameuse, Nicolasa Escamilla, "La Pajuelera". Elle toréait à pied et à cheval au milieu du 18ème siècle et c’est à elle que Goya a rendu hommage dans la 22ème planche de sa Tauromaquia intitulée "Valor varonil de la célebre Pajuelera en la de Zaragoza". Mais n’allez pas croire que la dame n’a eu que des admirateurs. Un certain Vargas Ponce s’est fendu d’une diatribe dont la traduction est superflue : " No hace muchos años que en Madrid se presentó en la plaza pública una mujer para torear, y que de hecho toreó. […] Este fenómeno ha sido la ignominia del devoto femíneo sexo, que tiene adherente la compasión, y la afrenta del indiscreto sexo barbado que toleró y dió licencia para que saliese al público semejante monstruosidad. [...] ¿Qué ha sido aquello, sino ridiculizar la fiesta de los toros? "

Un siècle et quelques toreras plus tard, on peut voir des affiches annonçant les "Señoritas Toreras". Dans ces cas-là, on est sûr de ne pas voir Rafael Guerra “Guerrita” partager le cartel puisque le grand homme allait jusqu’à refuser de se produire dans les ruedos où ces dames étaient passées avant lui ! Les espadas Dolores Pretel et Angela Pagés, accompagnées de leurs 6 banderilleras sont passées par Calasparra en juillet 1898 pour y affronter une novillada de Flores. Les revisteros ont écrits que “Lolita”, “Angelita”, Encarnación, Rosa, Julia, Isabel, María et Francesca avaient été ce jour-là très "discrètes". Qu’on me permette d’en douter…

Au vingtième siècle, c’est moins ce qu’on dit d’elles que ce qu’elles disent d’eux qui mérite considération.
Juanita Cruz cumule les tares : non seulement elle est une femme, mais elle a le mauvais goût d’être douée et d’obédience républicaine par surcroit. Interdite de ruedo à la demande du Ministre espagnol de l’Intérieur en 1932, elle ne sera pas aidée par ses confrères qui refusent pour la plupart d’alterner avec elle. Finalement, Juanita la Rouge est condamnée à s’exiler pour toréer en Amérique du Sud quand Franco prend le pouvoir. A l’attention des toreros de son pays natal, elle aura cette phrase explicite : "Allez, ils m'ont bien eue, ces tapettes de toreros espagnols. Il aura fallu une guerre civile pour me vaincre." Sur sa tombe et en guise d’épitaphe, au pied de la statue qui la représente en train de brinder au ciel, il est écrit : “En dépit du tort que me firent dans ma patrie les responsables de la médiocrité du toreo de 1940 à 1950,… Je brinde ce toro à l’Espagne !”

Verónica Rodriguez

Arles 2010

Evelyne Fabregas s’est expatriée en Espagne dans les années 80 pour pouvoir toréer. Elle explique pourquoi : "En France, il y a deux sortes de novilladas, les cartels économiques et les actuaciones de fils à papa. Les premières rapportent trois sous à des jeunes qui en ont besoin pour subsister, les secondes engraissent largement ceux qui n'en ont pas besoin. Si vous ne faites partie ni de l'une ni de l'autre catégorie, si vous êtes un novillero normal, qui réclame un cachet normal, vous ne toréez pas en France".

Plus près de nous, elles sont nombreuses à se jeter dans le ventre de l’arène et dans l’antre du mundillo. Personne ne dit rien de la plupart d’entre elles et leurs propos ne sont consignés nulle part. Difficile de savoir si c’est un choix délibéré ou subi, l'aficion qui s'étiole, la détermination qui fatigue, le manque de talent ou d’entregent, qui fait qu’on ne revoit presque jamais leur nom sur une affiche à peine les a-t-on découvertes. Motifs universels ou féminité trop encombrante ? Veronica Rodriguez était plein de promesses…

Le 28 décembre prochain, Hilda Tenorio, Lupita López et Karla de los Ángeles ont été convoquées par la tyrannie des médias à la Monumental Plaza de Toros México. Un "cartel femenino" pour affronter six toros de De Guadiana. Que dira-t-on d’elles le 29 décembre au matin ?

Zanzibar

samedi 20 décembre 2014

G5 : la Pagès est tournée

Peur sur la Ville

Communiqué de l'empresa Pagès :

" Suite aux évènements survenus lors de la dernière temporada, qui empêchèrent la participation de cinq figures du toreo dans les arènes de Séville, l'entreprise Pagès veut demander des excuses à tous ceux qui se sont sentis offensés par nos déclarations.
Nous sommes convaincus que la "Féria de Sévilla" a besoin de la participation des principales figures comme cela en a été la tradition dans cette arène qui pour nous est la première du monde. L'aficion et la ville de Séville méritent que nous tournions la page et qu'avec bonne volonté et concertation nous soyons capables de leur offrir le meilleur."

C'est la fin d'une longue angoisse, on va pouvoir reprendre l’abonnement, réserver les billets d'avion, et récupérer la chambre verte chez Madame Dominguez .

El Ubano

mercredi 17 décembre 2014

La victoire en chantant

Ça y est, c'est la guerre, aficionados faites vos sacs et embrassez les fiancées ; direction la gare. Veuillez trouver ci-dessus l'ordre de mobilisation générale que vous ne trouverez pas sur le site de l'UVTF ou celui de l'ONCT.


Nous avons juste procédé au copiage du communiqué et mis du gras ici et là  :

« André Viard, président de l’Observatoire National des Cultures Taurines, Guillaume François, secrétaire général de l’Union des Villes Taurines Françaises, et le matador Juan Bautista, représentant les professionnels français, ont participé mardi à une réunion de travail à l’Assemblée Nationale avec le groupe d’étude sur la Tauromachie à l’invitation de son président Alain Marleix.


L’ONCT et l’UVTF ont détaillé aux parlementaires le plan de promotion qu’ils vont lancer en commun dans les prochaines semaines, pour poser les bases d’un débat apaisé autour de la Tauromachie en France, et garantir ainsi son avenir à long terme.

Ce plan comprend trois axes :

1 : Défense juridique et institutionnelle, au moyen d’une veille médiatique et juridique dont la mission sera de répondre systématiquement au travers d’avocats, à toutes les contre vérités publiées dans la presse, et demander réparation en cas d’injures ou de diffamation ;
- gérer les plaintes, procédures et procès à l’encontre des responsables d’atteintes discriminatoires à la culture taurine ;
- assurer l’information permanente des parlementaires français et européens, en collaboration étroite avec les secteurs agricole, agro alimentaire et de la chasse, qui font face aux mêmes attaques de la part des mêmes milieux animalistes.
- coordonner les travaux du groupe parlementaire d’étude sur la Tauromachie.
- maintenir un contact permanent avec les ministères concernés.

2 : Communication nationale pour expliquer les valeurs de la Culture Taurine, l’écologie de l’élevage et le respect du bien-être animal mis en place par les éleveurs de taureaux tout au long de son existence, ainsi que l’éthique qui préside à son combat.

3 : Transmission aux jeunes générations des éléments de culture indispensables à la compréhension de la Tauromachie dans le monde moderne, au moyen d’outils pédagogiques mis gracieusement à disposition de chacun sur tous supports.
- Ces outils sont un documentaire de 25 minutes et une exposition didactique itinérante dont le thème commun est : « L’épopée taurine du paléolithique à aujourd’hui »
- L’histoire du Mythe du Taureau, des peintures pariétales aux arènes contemporaines, y sera détaillée de manière richement illustrée, au travers de l’histoire, des arts, de la littérature, des rites et des jeux, des religions et des cultes qui se sont multipliés sur tout le pourtour méditerranéen, ainsi que de la genèse de la corrida moderne, du Moyen-Âge à aujourd’hui.
- Ce projet a pour objectif de rapprocher les jeunes générations d’une culture qui peut leur paraître anachronique, au travers d’une vision culturelle et historique, d’une réponse aux questionnements suscités par la désinformation véhiculée par l’idéologie végane, mais aussi, afin que chacun puisse se rendre compte de la réalité, par la création d’un passeport universel pour les arènes, qui permettra l’entrée gratuite des mineurs partout.

Ce plan sera financé sur les richesses du marché, en dehors de toute subvention. Son fonctionnement sera totalement transparent. L’UVTF prélèvera 50 centimes d’euros par billet sur chaque spectacle, permettant ainsi à chaque aficionado de participer à la promotion de sa culture.
Elle prélèvera aussi 1% des sommes facturées par les acteurs du spectacle, et il est important de préciser que toutes les organisations professionnelles concernées, françaises et espagnoles, ont accepté le principe de cette retenue qui sera effectuée par les organisateurs avant d’être confiée au comité de pilotage mis en place par l’UVTF, et contrôlé par un commissaire aux comptes.
Il est important de signaler aussi que le plan présenté voici un an par l’ONCT a été approuvé à l’unanimité par l’UVTF lors de son Assemblée Générale du 23 novembre dernier à Saint-Martin de Crau.
Lors de son prochain Conseil d’Administration prévu le vendredi 19 janvier, l’UVTF mettra en place le Comité de pilotage dont la mission consistera à passer les conventions d’application du plan avec les organisateurs, les organisations professionnelles et l’ONCT qui aura en charge sa mise en oeuvre durant les trois prochaines années. »

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Avis à la population

Dans le souci d'aider, on va même rajouter des axes aux trois existants :

Axe 4 : Les toros ne tomberont plus et se rendront au cheval dans l’enthousiasme général pour des piques loyales. 
 
Axe 5 : Les toreros vont respecter les toros et se souvenir de toute l'histoire de la tauromachie du paléolithique à Urdiales. 
 
Axe 6 : Les médias locaux (journaux et radios) feront désormais de l'information éclairée et non pas de la propagande ou du nombrilisme.

Axe 7 : Les présidences auront à cœur maintenir leurs connaissances à niveau et de préserver l'intérêt général taurin. Une taxe de cent euros par trophées octroyés ira alimenter la cagnotte.

Axe 8 : Les empresas vont s'imprégner avec assiduité des préconisations de l'axe 7.

Axe 9 : L’accès aux gradins sera libre à la mort du cinquième toro. 
 
Axe 10 : Deux alguazils sur deux minimum seront des aficionados impliqués, reconnus, abstinents, libres et gratuits. Le budget affecté aux alguazils alimentera désormais la cagnotte.

Axe 11 : Les associations taurines vont donner 10 euros par cotisation à la réalisation de ce Plan et ce sans rouscailler.

Axe 12 : L'argent non remboursé des éco-cups par les débits de boisson ira alimenter la cagnotte.

Axe 13 : Rappeler constamment aux toreros, éleveurs, managers, organisateurs, que le pire ennemi de la tauromachie c'est l'ennui.

Axe 14 : l'UVTF mettra en place un régime d'amendes sanctionnant les infractions au règlement comme des infractions de cinquième classe. Les sommes collectées abonderont la tirelire du Plan.

Axe 15 : Les invitations en tribune, gradins ou callejon sont assujettis à un prélèvement équivalent au prix d'une barrera ombre de la plaza considérée sous contrôle d'un membre de l'ANDA qui réservera les sommes au profit du Plan triennal.

Axe 16 : Création d'une boîte à idées pour ajouter des axes aux axes.

Dès que nous aurons atteint le nombre de 95 axes nous pourrons les placarder aux portes de nos églises.

Martin Luther

Publications

Aquarelle de E. E. Vidal couverture du Tome 1

On ne présente plus Emmanuel de Monredon qui se distingue cette année avec la publication de deux carnets consistants de 300 pages chacun réunis dans un coffret ; le tout publié par l'UBTF.
Là sont compilés les « récits de voyageurs francophones au XIXème siècle » évoquant « Les Taureaux de l' Amérique Espagnole ». L'éditorialiste de Toros a retenu les anecdotes et organisé son travail de manière originale. Cette mise en forme n'est ni chronologique ni géographique mais d'avantage attachée aux détails, aux contextes, aux références.
Nous aurons l'occasion de présenter dans ce blog quelques extraits susceptibles de mettre en appétit les amateurs du genre.


Pilets en famille

Quelques milliers de kilomètres moins loin... La Camargue en son delta est évoquée par Didier Leclerc, Tristan Cabral et Alain Dervieux qui s'unissent pour tirer fort sur la sonnette d'alarme dans un livre publié aux éditions Sansouïre « Quand vient la mer au delta de Camargue ». Trois compétences au service d'un enjeu majeur, l'ouvrage doit paraître le 19 décembre et une signature est envisagée le 20 à 15h à la salle St Jean et Pons Dedieu à Arles.
Nous tenions à saluer la générosité que suppose ce type de travail et, là aussi, nous nous attacherons à proposer quelques extraits.

El Ubano

dimanche 14 décembre 2014

Les délires flagrants du tribunal

Naguère, le 10 mars 1998, le sévillan José Domingo Ruiz Florencio a entendu deux habitués des clients de son entreprise dénigrer Curro Romero. Profondément outragé par de tels propos (on s’était moqué du peu de courses toréées par le Faraón de Camas cette année-là), Ruiz Florencio a haussé le ton et en serait volontiers venu aux mains s’il n’avait été arrêté dans son élan par un gardien. Quelques minutes plus tard, il était remercié par son patron.
En février 1999, ce licenciement a été jugé abusif par la Chambre sociale du Tribunal Supérieur de Justice de Séville. En effet, le juge a estimé que l’admiration qu’un aficionado sévillan pouvait porter à Curro Romero était un sentiment « exigeant le plus grand respect de la part de ceux qui le partagent, comme de ceux ne le partageant pas, et que lorsqu’on venait à lui en manquer, une réaction ardemment défensive, de la part de celui qui se considérait offensé, était à prévoir ». Le magistrat n’a pas hésité à ajouter que le currisme était « un sentiment plus enraciné et profond qu’aucun autre, source d’une joie permanente, d’une inconditionnelle espérance et d’une façon de concevoir la vie »*. Una forma de entender la vida. Rien de moins. 
Ruiz Florencio a dû être réintégré par son employeur qui a été condamné à prendre en charge les frais de justice. Manuel Cisneros, l’apoderado de Curro Romero a affirmé que son poulain serait enchanté de cette sentence.

Mais ça, c'était avant.

Il y a quelques jours, le Tribunal Supérieur de Justice de Madrid a donné suite à la plainte d'une association animaliste qui dénonçait la mort de neuf novillos durant le tournage du très beau Blancanieves (les novillos toréés pour les besoins du film, devenus de ce fait impropres à une lidia ultérieure, ont finalement été tués dans les corrales de la plaza d’Aranjuez au fusil d’abattoir avant d’y être envoyés).
A ma connaissance, au fil des sentences et des recours, il a beaucoup été question des articles 24.3.g), 24.3.c) et 24.3.d) de la Loi 1/1990 et de l'article 14.d) de la Loi 32/2007. Il semble en outre que le juge ait longuement évoqué certaine procédure disciplinaire. En revanche, toujours à ma connaissance, il a été assez peu question de sentiment. Otra forma de entender la vida. Rien de plus.

NB : Avant de recevoir son Goya et de présenter son film aux Oscars dans la catégorie du Meilleur Film Étranger en 2013, Pablo Berger avait déjà dû surmonter les pires obstacles : sept ans pour trouver des financements, tourner et être enfin distribué.
Culture et tauromachie ne font décidément pas bon ménage...

Zanzibar 

* Merci à Alain Lavaud pour la traduction de la décision de justice. 

vendredi 12 décembre 2014

Colonialisme taurin (en quelques images)

Le "geste" de Felipe Bedoya

Photos extraites du numéro spécial "Homenaje a la Unión Mexicana de Subalternos"

Pour lire les circonstances de ce triste évènement, il faut cliquer ici






Así, con la detención de Felipe Bedoya y sus compañeros,

se dio paso a la solución del conflicto aquellatarde infausta…


mercredi 10 décembre 2014

Desperdicios


"Le célèbre Manuel Dominguez, mort à Séville, en 1885, à l'âge de soixante quinze ans, était criblé de cicatrices comme rarement le fut vétéran de la Grande Armée. Outre les éraflures, avaries, meurtrissures, horions, coups de cornes sans nombre, il eut quatre fois la cuisse traversée de part en part, un œil crevé, une profonde encornade près de l'anus, deux autres dans la fesse, une au côté droit. Il mourut, on le voit, couvert de blessures et de gloire.
Passé soixante dix ans, il tuait encore le taureau : sa dernière bataille fut livrée à Séville, en faveur des inondés de Murcie."

Anecdote racontée par Hector France dans le livre "Sac à dos à travers l'Espagne"
(édité chez G. Charpentier -1888).

dimanche 7 décembre 2014

Colonialisme taurin (en quelques mots)



Entrefilet paru dans

l’ABC du 5 janvier 1965

 

La vie taurine mexicaine a connu des épisodes particulièrement tumultueux.
De l’histoire qui suit, il existe presque autant de versions que de narrateurs, la confusion ayant été savamment entretenue par tous les protagonistes de l’affaire…

On est en 1964. Ángel Vázquez est à la tête de la plaza Mexico. Il est aussi apoderado de Paco Camino avec Manolo Chopera qui ne manque pas de lui vendre en lot ses autres poulains (El Cordobes, Victoriano Valencia, Fermin Murillo, etc.) que Vázquez n’oublie jamais de programmer dans son chaudron. En revanche, il semble beaucoup plus distrait quand il s’agit de payer leur dû aux subalternes mexicains qui commencent à s’en irriter sérieusement.

En parallèle, l’Union Mexicaine des Picadors et Banderilleros Mexicains lutte pour quelques autres bagatelles. Par exemple, en interne, pour désigner leur secrétaire général (ils ont fini par se mettre d’accord après diverses violentes algarades et quelques passages à tabac). Ou encore, en externe, pour obtenir les mêmes « privilèges » que les espagnols. Entendez par là que les subalternes mexicains revendiquaient le droit d’être payé au même tarif que les subalternes européens : embauchés en qualité de troisième banderillero dans les cuadrilles des matadores espagnols, ils demandaient à être payés au même tarif que les deux premiers.

Or, au moment du renouvellement de l’Accord Collectif entre les différentes instances du mundillo international, la Unión Mexicana de Picadores y Banderilleros exige que la dette contractée à l'égard de ses adhérents par l’empresa de la Monumental soit  précisément mentionnée dans le texte. Le sieur Vázquez refuse et assure lâchement ses arrières avec une clause disposant que l’accord signé prévaudrait sur toutes querelles d’ordre privé ou syndical.

Les  turbulents subalternes avaient certes une manière virile et peu reluisantes de régler leurs différends en interne mais ils savaient être solidaires quand il s’agissait de défendre leurs droits face au reste du monde.
La riposte ne se fait dès lors pas attendre : la Unión se met en grève jusqu’à ce que l’Accord soit rompu. Comme les subalternes espagnols sont tenus d’adhérer à l’Union Mexicaine lorsqu’ils travaillent en terre aztèque (l’inverse est également vrai quand les mexicains sont en Espagne), ils sont contraints à la grève par capillarité.
 
Les premières courses de la Temporada Grande ont donc lieu avec des matadores accompagnés de cuadrillas composées de… novilleros !

Le ménage Vázquez-Chopera contre-attaque en faisant appel à des « cuadrillas libres », ce qui en langage populaire signifie « libres de ne pas leur causer de tracas avec les exigences saugrenues du Syndicat » et c’est ainsi qu’est annoncé le cartel du dimanche 3 janvier 1965 : 6 toros de Javier Garfias pour Joselito Huerta, Victoriano Valencia qui confirme, y Jaime Rangel.

Ignacio Navarro Rios "El Jitoatero",

outré par la riposte des granaderos

envers les membres de la Unión

Monumental Plaza México - Le 3 janvier 1965

Pour la Unión, c’en est trop. Cette course ne doit pas avoir lieu.
Lorsque Gabriel Márquez, piquero espagnol de la cuadrilla de Victoriano Valencia, entre pour piquer le premier toro, Felipe Bedoya “El Hielero” et Antonio Martinez “La Cronica”  se jettent  en piste et désarçonnent le traitre. Pendant que les granaderos (la guardia civil mexicaine) se chargent de ces deux-là, Agustín Salgado “Muelon” déboule sur le ruedo avec quelques autres comparses. C’est la foire d’empoigne et les représentants de l’ordre laissent s’en donnent à cœur joie.

Après la prison, c’est l’heure des tractations. Mieux vaut ne pas s’appesantir sur ces dernières si l’on tient à conserver ce qu’il nous reste de foi en la nature humaine…

Gabriel Márquez n’a pas piqué ce jour-là, mais l’Accord n’a finalement jamais été rompu.

Zanzibar