mardi 29 juillet 2014

Trois fois rien

Tomas Angulo

© Bertrand Caritey


Crouiiiiic crrrrrac crrrrrrrrr vzzzzzzz boum !
Et puis on se recroqueville dans un édredon de silence angoissé quand, enfin, le deuxième novillo de la matinée cesse de molester le jeune homme à terre après l'avoir tamponné de plein fouet. A ce stade, imaginer que Tomas Angulo puisse sortir vivant de l'infirmerie relève de la plus pure fantaisie. Et pourtant, il revient pour mettre l'épée. Le bruit qu'on avait entendu, ce n'était sans doute pas grand-chose, à peine quelques côtes cassées... Trois fois rien.


Le courageux avait préalablement su profiter de la très bonne corne droite du novillo avant de lui proposer une muleta un peu trop timide à gauche. Vuelta pour ce n°30, par deux fois gaillard au cheval quoique sortant seul après la seconde ration.
A quatrième, Angulo accuse le coup et, après une larga de rodilla particulièrement désordonnée, escamote la charge bouillonnante de l'animal qui ira mourir au centre avec une épée contraire dans le corps.


Juan Millán n'a pas le feu sacré. On lui sera reconnaissant d'avoir accepté de venir se coltiner les Valdellan mais là s'arrête son mérite. Le problème, c'est qu'il ne torée pas. Il fait des trucs qui n'ont pas le moindre pouvoir de soumission et c'est ainsi que, après une réception assez vulgaire et de qualité médiocre que la faena n'a pas pris la peine de démentir, il gâche bêtement son encasté et deuxième opposant. Son premier novillo aura été le moins intéressant : pas beau, poltron au cheval, ne baissant jamais vraiment la tête dans la muleta indécise qui lui était présentée, et liquidé d'un bajonazo qui m'a paru prémédité.
 

Salut discret du mayoral qui venait de nous proposer trois novillos (sur quatre) bien faits et raisonnables de tête, dont les combat nous ont donné très grande  envie de découvrir leurs frères aînés à Azpeitia en fin de semaine.
 

Présidence émotive. 

Prix au meilleur piquero desierto.

Zanzibar

lundi 28 juillet 2014

L'Angélus des Orthéziens

"V'la que ça sonne, carillonne, partout résonne en écho. Sur les routes l'on t'écoute d'Orthez Baigts jusqu'à Puyoô...." dit la chanson avant le paseo.

Ça carillonait moins ensuite... même si le cabestro n'était jamais très loin ; et la consternation mêlée d'ennui voyait défiler un lot de Louro Fernandes de Castro d'origine Atanasio Fernandez qui ce matin n'a pas dû faire rigoler le mayoral mal rasé devant son bol de café au lait.
Toros peu ou mal encastés, agressifs par à coup, douteux dans la charge, imprévisibles, incertains et parfois aux allures de boeuf dans leur déplacement rustique pour les trois et quatre. 
Bien présentés, parfois beaux et variés de pelage, armés fièrement, excepté le cinquième, salement escobillé.
Quatorze piques, parfois dures, qui consacrera le sixième picador vainqueur de la discipline, décision contestable à en juger les réactions du public qui préféra le cinquième. Cuadra de chevaux confortables pour les cavaliers.
Pour les matadors... après-midi austère, faenas aléatoires, à vouloir embarquer dans la muleta des toros enclins à charger l'étrier. Aux séquences âpres succèdent des trous d'air ponctués d'estocades diverses. Toros broncos aussi.

Imanol Sanchez peut séduire par des aspects atypiques voire surannés, toujours très motivé il se bat sans plan de bataille balloté par les évènements, tuant ses rivaux comme un corse amoureux. Tout le contraire du méritant Joselillo qui veut, lui, construire ses combats avec méthode et efficacité. Echec douloureux à son second. Enfin Perez Mota, ne désespérant pas de briller quand passe une éclaircie dans cette soirée de toros ombrageux ou fâchés d'avoir été dérangés en plein été de s'éloigner des plages de Sétubal.

"Les clochettes gentillettes qu'on entend avec bonheur. Et sans cesse l'on s'empresse de faire battre tous les chœurs. Sonne sonne sonne tinte et carillonne. Sonnez du soir au matin, c'est l' Angélus des orthéziens." La musique serait de Jean Franck Passicos et les textes pourraient être d'Alain Lartigue.

Temps chaud, moite, trois-quarts d'arène, déjeuner sans intêret.

El Ubano

vendredi 25 juillet 2014

Croyance populaire

« Tout aficionado sait selon quelles règles doit être portée une estocade mais, quand bien même elle aura été réalisée en respectant tous les impératifs, la majorité d’entre eux protestera énergiquement si elle est suivie d’une hémorragie par la bouche ou par les naseaux. Pourtant de tels écoulements de sang peuvent être consécutifs soit à un coup d’épée répréhensible, soit à un autre parfaitement loyal et bien situé. Que le sang soit rouge ou bien noirâtre (qui peut réellement faire la distinction de couleur depuis les gradins ?), qu’il sorte en flots saccadés ou encore qu’il s’écoule lentement et de façon continue, cela ne change rien à l’affaire et ne suffit pas à définir l’estocade comme honnête ou malhonnête, contrairement à une croyance très ancienne et trop répandue. »  [...]
« Par suite d’une direction plus ou moins heureuse de la lame, une belle estocade, parfaitement portée dans le haut du garrot, peut sectionner grosses bronchioles ou bronches en même temps que les vaisseaux pulmonaires et entraîner une émission sanguine. Et comme il existe une artère à sang noir et des veines à sang rouge (l’artère et les veines pulmonaires), la couleur du sang émis ne suffit pas non plus pour permettre de blâmer l’estocade ».

Marc Roumengou - Extrait de "Blessures et mort des taureaux de combat"

mardi 22 juillet 2014

Crèmes taurines et terres catalanes

Vieux Boucau

Ci-dessous la réponse de l'ADAC à  l'édito du 14 juillet où un provocateur "notoire" s'autorise une série de dérapages comme il les aime. Ce communiqué ne sera évidemment pas repris sur son site qui n'a pas pour habitude de balayer devant sa porte fraichement repeinte.

"L’A.D.A.C. communique :

A la suite de certaines réactions consécutives au choix de la cuadra de « Caballos Navarro », l’A.D.A.C. entend apporter certaines précisions.

Le choix de se séparer de la cuadra Bonjiol provient de divergences de vues pour l’organisation du tercio de piques et en particulier quant au choix du matériel. Ces divergences existent depuis quelques années et ont conduit aux décisions prises de part et d’autre.

Si l’A.D.A.C. a gardé le silence sur cette question, c’est par respect pour le travail d’Alain Bonijol et dans un souci d’éviter tout dénigrement.

Affirmer que ce choix a été influencé par un aficionado extérieur est totalement faux. Il est évident qu’après 27 ans d’existence l’A.D.A.C. a acquis suffisamment de maturité pour ne pas se voir dicter ses choix par quiconque.

Par ailleurs, affirmer qu’une cuadra doit masquer les carences d’un toro est contraire à notre conception du premier tiers. Nous croyons que les chevaux sont plutôt là pour le révéler dans sa bravoure, sa mansedumbre, son poder ou sa faiblesse…

A cet égard nous considérons que la cuadra de Caballos Navarro a tenu efficacement son rôle.

Pour conclure l’A.D.A.C. tient à réaffirmer qu’elle entend être la seule à avoir la maîtrise de l’organisation du premier tiers à Céret."

Du petit lait....

El Ubano

lundi 21 juillet 2014

Madeleine - Corrida de Miura



Soleil et nuageux, arènes presque combles. 

Six toros de Eduardo Miura. Lot très bien présenté, dans le type Miura, dont les 4ème, 5ème et 6ème dignes d'une plaza de première catégorie. 9 piques et 6 rencontres. Bon comportement au premier tiers des 2ème, 3ème et 5ème. Toros difficiles et compliqués mais course très intéressante. Le premier toro : un régal pour l'aficionado qui a retrouvé le vrai comportement du Miura. 

Rafaelillo s'est joué la vie comme si c'était la dernière tarde de sa vie...
Volontaire, appliqué, courageux, le torero murciano a croisé le fer du premier Miura, et quel toro de Miura, le vrai, celui que l'aficionado connait, le coup de corne de côté, répété à chaque passe, la peur et la mort qui rôde dans la plaza. Terrible.
Rafaelillo, la peur il ne la connait pas devant ce premier astado auquel il se présenta de face tout au long de la faena. Arrachant derechazo par derechazo, gagnant du terrain, seconde après seconde, mètre après mètre. Une leçon de courage, de torero, une grande estocade et surtout une lidia merveilleuse lui permettra de conquérir la plaza entière… sauf un homme, un président qui devrait penser à se couper la coleta...
Certainement la mauvaise note de la soirée, Monsieur Lalanne est passé à côté de ce grand moment d'émotion, de peur, et de plaisir à la fois tant Rafaelillo a dominé son sujet. J’aurais souhaité lui voir octroyer les deux oreilles mais le président en a décidé autrement, je respecte son choix, mais ce que je souhaite désormais, c'est que ce monsieur ne se présente plus au palco du Plumaçon... 

A son deuxième toro, Rafaelillo a encore marqué des points auprès de l'aficion. Mon voisin définit le nouveau combat qui s'offrait à nos yeux : "la force face à l'intelligence". Ce Miura était plus dur que son premier, plus réservé, imprévisible, il s'arrêtait sans arrêt au milieu de sa charge...
Le maestro a su trouver le sitio et tirer juste les 10 passes nécessaires pour s'offrir la Grande Porte.
Sortie méritée pour Rafaelillo, son courage et sa détermination lui ont permis de renaître enfin auprès de l'aficion. Suerte maestro pour la suite de la temporada, je m'incline devant votre courage.
 

Fernando Robleño a eu sans doute le lot le plus compliqué, deux toros difficiles, presque intoréables.
Il a su tirer quelques passes, mais son manque de confiance se ressent de semaine en semaine...
Fernando a du mal mais sa lidia et son courage lui ont permis de s'en sortir.
 

Javier Castaño a fait du "Castaño" avec un dernier toro castaño. Limité, profilé, brouillon mais toujours courageux, il continue son "meeting camada Miura" avec de plus en plus de difficultés... Javier nous fait peur à chaque sortie, mais hier c'était les Miura, on ne peut que le respecter.
Les Miuras restent les Miuras. Des Toros toujours redoutés par les Hommes.
 

Un remerciement particulier à José Mora qui nous a offert une formidable pose de banderilles dans les cornes du quatrième Miura.

Cyrille

Madeleine - Corrida de Victorino Martin



Temps couvert, arènes combles. 

Six toros de Victorino Martin pour la plazita de Mont de Marsan. Lot desigual de présentation et fuera de tipo. 2 toros de cinq ans, les plus intéressants.
8 piques et 5 rencontres, un brin de faiblesse et très peu de charge au cheval. Toros compliqués mais toréables. Le cinquième très noble. 

Diego Urdiales a écrasé cette course de Victorino Martin, tant par sa lidia que par sa tauromachie.
A son premier toro, Diego a su trouvé le sitio dès la première série et a donné la distance nécessaire à ce premier adversaire. Les deux séries de derechazos ainsi que 6 magnifiques naturelles ont bercé notre début de soirée. Croisé, de face, il a fixé son animal comme peu de toreros sont capables de le faire aujourd'hui.
Volontaire et courageux, Diego Urdiales porté par une main gauche fabuleuse nous a servi une faena extraordinaire. Que dire de la mise à mort où il s'est jeté dans les cornes du toro. Diego a été projeté au sol par l'animal, un instant de peur... mais no pasa nada... Son sang-froid et son audace lui ont permis de présenter sa première oreille de la soirée à la foule en délire.
A son deuxième toro, Diego n'a pas eu la tâche facile, le toro chercha l'homme du début à la fin. Le torero de la Rioja domina l'animal grâce à une superbe lidia. Son répertoire varié et son envie lui permirent de couper la deuxième oreille.
Une Grande Porte, méritée tant pour son début de temporada que par cette soirée au Plumaçon
où son professionnalisme et sa caste de torero ont conquis l'aficion montoise.
 

Difficile d'évoquer les deux diestros, Manuel Escribano et Alberto Aguilar qui partageaient le cartel à ses côtés, tant par les fautes répétées du premier que par l’"absence" du second. 

Manuel Escribano est sans aucun doute passé à côté du toro de la soirée, no hay quinto malo,
un toro avec des embestidas énormes à la fois à droite mais aussi à gauche. Le toro rêvé de Victorino Martin. Dommage, le sabotage des piques ne nous a pas permis de voir si bravoure il y avait.
Manuel à toréé le public montois comme il sait bien le faire, profilé et fuera de sitio, il est certainement passé à côté d'un grand toro et il ne s'en est même pas rendu compte.
 

Alberto Aguilar est quant à lui "perdu", les semaines se suivent et se ressemblent. Alberto veut bien faire, mais il n'a plus les armes pour lutter. Valeureux, beaucoup d'envie mais jamais torero, toujours au pico de la muleta, ennuyeux. A sa décharge les deux Victorino Martin lui ont laissé peu de terrain.

Cyrille

vendredi 18 juillet 2014

And the winner is...



Escolar.
Sauf à considérer la présentation du bétail...

On peut dire de cette feria qu’elle a été un petit cru mais il y a toujours eu, à chaque course, quelque chose à se mettre sous la dent. De beaux toros en général, de la caste un jour, de la toreria le lendemain, et aujourd’hui un défi albaserradien avec des premiers tiers biens menés et les désordres associés quand ils ne l’étaient pas.

Le moins qu’on puisse dire de Robleño c’est qu’il n’est pas sorti fatigué du bras gauche du ruedo cérétan. Il robleñise à son premier Victorino et bâtit consciencieusement une faena qui améliore un peu son Escolar sorti en 4. On l’a connu meilleur architecte. Silence et 1 oreille cérétane.

Paulita cherche le bon sitio et essaie du mieux qu’il peut de raviver la charge de son premier adversaire. En vain. L'Escolar qui était sorti avec beaucoup de moteur et de présence s’est éteint. Au premier tiers, il avait mis les reins sous une première pique très bien exécutée mais était sorti seul de la seconde. Il charge une troisième fois du toril au cou du cheval provoquant une chute à l'impact et s’enfuit à peine picotazé. Salut. Le Victorino sorti en 5ème position n’a pas fait honneur  à son piquero, José Manuel Sangüesa, qui a été presque parfait en trois rencontres. Faena mollassonne de part et d'autre. Salut. Les 2 piqueros de la cuadrilla ont été primés.

Dès sa sortie, Conducido joue aux devinettes avec Alberto Aguilar. C’est l’Escolar qui gagne. Aux piques aussi il gagne et ce malgré le mauvais traitement qu’on lui réserve. 3 piques en brave et bronca pour le piquero. On est à Céret. Il y a du danger. Alberto va prendre l’épée. ½ à la volée. Conducido a gagné et nous, on a l’impression d’avoir perdu un possiblement grand toro. Bronca. C’est avec des fourmis dans le capote (et un peu honteux) que le mini-Aguilar accueille le dernier toro de la feria avec l'intention manifeste d'expier sa précédente trahison. Et comme y’a du pot pour la canaille, le Victorino est noble à souhait. Faena courte, au centre, et à droite. C’est bien mais ça ne va pas a mas alors que le toro ne réclamait que ça. Oreille.

La vie est brève,
Un peu d'amour,
Un peu de rêve
Et puis, bonjour ! *

Merci pour ces 3 jours les amis, pour les rigolades, les petits trésors partagés, et la fatigue. Rendez-vous à Céret en 2015 !

Zanzibar 
* et Arturo Perez-Reverte

jeudi 17 juillet 2014

Algo de Frascuelo


Frascuelo est beau.
Et vieux aussi. Ce dimanche à Céret, il était criant qu'il ne pouvait plus compter sur le moindre recours physique, et cette fragilité était à la fois dérangeante et émouvante.
Car Frascuelo est très vieux.
Et généreux aussi. Car voyez-vous, il n'a pas chipoté ; ce ne furent pas un ou deux détails qu'il a laissé à Céret, mais un monton de détails. Tout le monde a eu le sien : une demi-véronique pour l'un, une trinchera pour l'autre, le dernier changement de main pour moi. Ce soir, Carlos Escolar nous a fait un cadeau personnel à chacun.

David Mora devait être remplacé et c'est très chouette que la proposition soit allée à Lamelas (qui a eu l'air vraiment surpris d'être appelé à saluer avant la sortie de son premier toro). En tout état de cause, Alberto n'est pas venu faire de commerce ici et il essaie de s'imposer à force de vaillance face à l'impiqué (c'est une manie ?) et très déroutant second. Il méritait autre chose que son invalide second qu'il fait trop durer. On fermera les yeux sur le bajonazo. Il mérite bien qu'on lui rende sa prouesse vicoise avec usure...  

Il s'est dit après la course que Esau Fernandez était très mal coiffé. Pendant la course, ses banderilleros se sont fait remarquer pour 3 excellentes paires.

Les Felipe Bartolomé ? Ils ont beaucoup, beaucoup déçu. Leur plus grande qualité aura été d'être suffisamment peu offensifs pour permettre à Frascuelo de nous raconter un petit peu de l'histoire du toreo.

Zanzibar