jeudi 28 novembre 2013

NarcoToros


Ciudad Tres Marias, banlieue spectrale et cuirassée de Morelia (Michoacan). Un peu comme "La Zona, propriété privée" de Rodrigo Pla. Pour y entrer, ce qui ne peut se faire autrement qu’en voiture, il faut ouvrir le coffre et montrer patte blanche aux gardiens lourdement armés qui font le pied de grue devant les casetas. On dirait pas mais il y a des gens qui habitent ici. Il y a aussi un golf 27 trous et presque pas de bruit. Il parait que c’est très agréable de résider dans le coin. Qu’il n’y a pas de pollution.

Le chauffeur de taxi (initialement très sceptique quant à son existence réelle) finit par trouver le Centro Cultural y de Convenciones de Tres Marias qui abrite le Museo Taurino. Je paie, fais quelques photos et m’étonne du choix de cet emplacement incongru, perdu, inaccessible, presque hostile. Et je trouve porte close.

A peine le temps de me demander avec une certaine inquiétude comment je vais bien pouvoir rallier Morelia qu’une jeune femme rayonnante m’ouvre la lourde porte de verre et m’accueille comme si j’étais Maria Felix ressuscitée. Je fais antichambre dans le hall immense au pied d’une énormité équestre de Botero pendant qu’on lève la grille de fer du musée en lui-même. Le temps d’allumer les lumières des 1200 m2 d’exposition sur 2 niveaux, je fais un détour par la bibliothèque.

Cette bibliothèque, ceux qui sont déjà allés sur bibliotoro.com la connaisse. 12000 volumes traitant de tauromachie (dont 56 sont pour l’instant scannés avec une qualité impeccable) qu’on peut toucher, ouvrir et lire sur place, y compris les plus anciens (sauf ceux du 16ème siècle).

Le musée est une sorte d'ultra-moderne caverne d’Ali Baba (Ali-Baba dont, en dehors de son évidente afición, on m’a vivement conseillé de ne pas m’étendre sur les autres activités).

Suerte de varas en velocipedo en el Anfiteatro de Nimes en Francia (1870)
On y trouve en vrac, parmi les 700 objets et œuvres présentés :
- un exemplaire de la première édition complète de « La taureaumachie » de Goya,
- vingt-huit planches de « La tauromaquia o arte de torear » de Picasso,
- des tonnes d’affiches qui nous apprennent qu’en 1929 les dames payaient leurs entrées aux arènes moins chères que presque tous les messieurs (il faut en effet excepter les chauffeurs qui eux-aussi bénéficiaient d’un tarif préférentiel),
- des tas de peintures qui, avec les habituelles mais toujours aussi étonnantes fautes de goût qu’on trouve dans la peinture taurine, nous présentent des toreros prenant des airs de Napoléon à Austerlitz face à des toros plus ou moins menaçants (les plus nombreuses sont de Carlos Llopis et Pancho Flores),
- la preuve que Nîmes n’a pas attendu Monsieur Casas pour être le théâtre d’extravagances taurines parfaitement fantaisistes,
- moult capes, épées, et habits de lumières ayant appartenu aux incontournables Manolete, Paco Camino, Manazares, Jose Tomas, et consorts,
- la tête de l’idole nationale Pajarito (!),
- un certain nombre de références à Cantinflas qui aura été le premier à faire le plein à la Monumental de Mexico 5 ans après son inauguration,
- et bien d'autres choses, des perles, et des horreurs...

La librairie est elle aussi un passage obligé. Pas pour y acheter des cartes postales ni de magnets pour le frigo. Il n'y a rien de ce genre. On trouve juste quelques vieilles revues, anciennes affiches et livres poussiéreux dont aucun ne porte d'étiquette mais qui, après étude du bibliothécaire, s'avèrent étonnamment abordables.

NB : Si un jour vous passez par Guadalajara (Jalisco), ne cherchez pas le musée taurin ou du moins ce qui en tenait lieu, il a fermé il y a quelques années. Si vous passez par Mexico, ne cherchez pas non plus le musée taurin, il a fermé il y a 6 mois.

Arruza recibe el aplauso del publico
(par Norman Thomas)
Zanzibar

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