vendredi 28 février 2014

XVIIIème siècle pas toujours taurin



Pedro par un anonyme


Pedro Rodriguez de Campomanes, né le 1 juillet 1723 et décédé à Madrid le 3 février 1802, repérez-le c'est un marrant. Spécialiste de la finance et plusieurs fois ministre des Charles III et IV,  il s'est bien investi dans le redressement du commerce et de l'industrie et on lui en sait gré. Il est disgracié en 1788 pour avoir traficoté mais a eu le temps de publier plusieurs ouvrages d'économie politique et sur l'administration de l'Espagne. 

Extrait  du “ Discours sur l'éducation populaire des artisans et leur développement

« Les taureaux, quand les courses ont lieu  les  jours œuvrés, ne sont pas un divertissement qui puisse être  permis aux journaliers, les ouvriers, et les artisans ; parce qu'ils perdent leur journée, et ils en dépensent  trois  ou quatre et ruinent la famille. 
Si ces courses de taureaux se répètent sur plusieurs semaines, le maître et les autorités prennent du retard dans les travaux et ne respectent pas les promesses qui les engagent et qui demandent plus d'efficacité. »

Gaspar par Goya


Gaspar Melchor de Jovellanos (1744-1811) 

Homme d'état espagnol, écrivain et défavorable aux divertissements taurins, il écrit dans une lettre le 12 juin 1792  à propos des corridas de toros : « ce divertissement ne peut être qualifié de national puisque cela plait seulement à une très petite partie de la nation... les divertissements populaires doivent être faciles, rapides, gratuits, simples, innocents, sans autre artifice que celui de la nature dans laquelle ils doivent puiser leur identité et de laquelle ils ne doivent pas s'écarter. »

Gaspar Melchor (manque Baltazar) de Jovellanos déplorera aussi la dépense que représente pour un ouvrier une journée de corrida ainsi que la désertion des ateliers. Enfin il regrette de voir disparaître du bétail qui pourrait être mieux employé en agriculture.

El Ubano 

A lire de Jacques Soubeyroux : "Des bienfaits de la corrida en Espagne au XVIIIème siècle" 

mardi 25 février 2014

El Torero de los Andes à Villanueva del Arzobispo



El Torero de los Andes, c'est David Gil. Il est espagnol mais torée surtout au Pérou. Extrait du site officiel du torero : 
David Gil Ochoa es un torero de la localidad de Linares (Jaén) el 4 de Diciembre del 1972 fue el día en que nació. Un Torero de los pies a la cabeza, Coraje, Mando, Poder, Temple, Empaque, Oficio, Afición, Seguridad, Perfección, Arte…etc, es lo que reúne este matador de toros para el interés de poder conocerlo, y ante todo, persona honesta, leal y modesto ante todo.

En 2011, Ignasi Rodríguez Batlle lui a consacré un documentaire de 56 minutes intitulé El Torero de los Andes. Extrait du site officiel du documentaire : 
“David Gil lleva años toreando, pero en España la suerte se le resiste y el éxito no llega. En cambio, en Perú ha encontrado el reconocimiento y recorre el país cosechando éxitos. David es un ídolo allí pero en su andadura no hay glamour : viaja en autobús, se hospeda en pensiones… y no se hace rico.

Pour ceux qui ne lisent pas l'espagnol entre les lignes, il faut savoir que David Gil est un très mauvais torero. Et pas humble pour deux sous. Assez imbuvable même.
Et pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, il faut vous procurer le documentaire de Rodriguez Batlle.

Les partis pris scénaristiques sont parfois discutables mais on ne peut pas faire autrement que de se laisser emporter par le charme de cette parenthèse péruvienne. Chaque image déborde de pittoresque, même pour notre œil occidental revenu de partout. Et pour notre aficion canonique, chaque témoignage nous inspire un sourire goguenard et compatissant. Car l’aficion péruvienne est chose sérieuse. Au moins autant que chez nous. Sauf que là-bas, les toros ne sont pas pareils.

  
Les scènes tournées autour et dans les ruedos (où, soit dit en passant,  il ne fait pas bon être dans le callejon - quand il y en a bien sûr) sont absolument surréalistes et criantes d’authenticité. Joyeuses, grotesques, poignantes, affligeantes  et hilarantes à la fois. Les trajets aussi sont terribles. Longs, très longs. Et dangereux. Sans doute les toreros y risquent-ils autant leur vie que dans les arènes de village.

Là-bas, dans ces placitas de village, David Gil torée. Le plus pathétique, ce sont ses succès. Non pas tant quand, vêtu du maillot n°7 d’un autre David, il reçoit ses groupies dans une chambre spartiate et vétuste. Non. C’est surtout triste quand on se rend compte que les enfants n’ont que lui pour  héros. Ils ne connaissent ni Morante ni le Fundi. Ils veulent ressembler à David Gil. L’un d’eux esquisse une passe pour montrer que lui aussi, quand il sera grand, il sera torero. Il pense que les toros « c'est souffrir et gagner de l'argent ». David Gil ne lui dit pas que dans cette variable à deux inconnues, l’une d'entre elle est tout de même beaucoup plus connue que l’autre.

Il y a des films qui doivent se regarder deux fois. La première fois, on se moque, la deuxième fois, on est bouleversé. El Torero de los Andes est de ceux-là. Au second visionnage, l’atmosphère est toujours aussi folklorique mais David Gil devient presque attachant malgré tous ses défauts.

Villanueva del Arzobispo, à “...algo, on ne sait pas trop où c'est. En revanche, on a appris que David Gil s'y présentera le 19 avril prochain face à un toro de Salvador Guardiola et un autre de Ramon Sorando lors d’une corrida concours dont les bénéfices seront reversés aux Hermandades de la localité. ¡ Suerte !

Zanzibar 

dimanche 23 février 2014

Nunuche


Falla dans les rues de Valencia en 2009

Les premiers toros de l’année sont différents des autres. On y pense dès que les jours commencent à rallonger. En fait, on y pense déjà un peu avant mais on n’ose pas trop en parler. Il faut savoir hiberner. Néanmoins, dès Noël on s’interroge : où va-t-on aller voir ces foutus premiers toros qui auront tant été rêvés ?

Quand on est nunuche, on n’a pas peur de passer pour une imbécile. Tel Ulysse, on s’accroche au mât et on résiste au chant des Dorores Aguirre. Non, on n’ira pas à Saint Martin de Crau cette année. La politique de la chaise vide, c’est pas très constructif mais c’est encore le seul moyen qu’on a trouvé de manifester son indignation pour les couleuvres mal digérées des deux dernières années.

Quand on est nunuche, on a l'idée fumeuse d'aller à Valencia. On passe l’hiver à faire sa pelote, on ne va pas chez le coiffeur, on n’achète pas de maquillage, et bien sûr, on ne fait pas les soldes. Difficile d’être nunuche et coquette à la fois, croyez-en ma grande expérience. Bref. Quand on est nunuche, on économise sou à sou, avec le sourire, pour avoir le plaisir de louer à un hôtelier probablement acariâtre une chambre ruineuse qui ne dispose pas pour autant d’une fenêtre.

On a beau être nunuche, on prépare quand même un plan B (le Carnaval del Toro de Ciudad Rodrigo) et un plan C (Berlin). Au cas où. Mais comme c’est pas parce qu’on est nunuche qu’on est forcément chanceuse, on est obligée de poser ses congés avant la sortie des carteles. Alors, on réfléchit. Am, stram, gram, pic et pic et colégram, bour et bour et ratatam, am, stram, gram. On pose 4 jours sur la fin des Fallas et on prend son billet d’avion dans la foulée. Et dix jours plus tard, on éclate en sanglots.

C'est la tuile, mais on tente de faire bonne figure face à cette infortune. On ira visiter les musées. Et puis il y aura les mascletàs, les menus del dia, et la mer. Et puis, on n’est vraiment pas tenue d’acheter une entrada pour la course tous les jours, hein. Non, c’est vrai, c'est pas obligatoire... Mais c'est sans compter qu'on ne sait pas être nunuche à moitié. Pire, on va jusqu’à se dire qu’après tant de déveine, on aura peut-être la chance de voir un ou deux grands toros, que Morante pourra incidemment se montrer lidiador, et que Ponce, en sa basilique, ira mater quelque réticent en querencia. Pour le Juli, Manzanares et Perera, on n’a pas encore trouvé de raisons de se réjouir… Mais faut être charitable : quand on est nunuche, on manque parfois d’imagination.

Réflexion faite, on aurait quand même été bien inspirée de retarder la première virée taurine de quelques semaines et de se rendre à Séville plutôt qu’à Valencia. La place étant vacante, on aurait pu y voir des toros présentés correctement (j'ai failli dire "comme au campo" mais vaut mieux pas) dont quelques-uns auraient pu montrer l’étendue de leur bravoure grâce à tout un tas de toreros certes modestes et imparfaits mais sérieux, ambitieux, honnêtes et heureux de toréer, tirant la bourre à quelques anciens trainant casseroles et fulgurances.
Mais qu'on est con ! Pardon. Nunuche... C'est pas parce que les 5 nababs lui font la grâce de la bouder que Séville va profiter de cette aubaine pour annoncer Sergio Aguilar, Antonio Nazare, Ivan Garcia, Alberto Aguilar, Joselito Adame, Eduardo Gallo, Sergio Flores, Oliva Soto, Luis Vilches, El Payo, Fandiño, Joselillo, et cinq ou six autres qu’on ne connait pas encore au côté du Cid, de Diego Urdiales, de Juan Mora, de Fernando Robleño, de Antonio Ferrera, de Manolo Sanchez, de Luis Francisco Esplá, du Fundi ou du Pana. Ah non, c'est vrai, les derniers pour sûr ne viendront pas.

Mais que voulez-vous... Les nunuches sont toujours un peu rêveuses.

Zanzibar

vendredi 21 février 2014

Clásico y Toros

 Où il convient de tout particulièrement remercier Isaac Manuel Francisco Albéniz y Pascual...
 






 

 
Et en bonus, un classique d'un autre genre :

mercredi 19 février 2014

Grammont et non pas Grammont

Corrida des Quinconces


Nous tenons à signaler une "erreur-pire-une-faute" qui est en train de se propager depuis 1895. Aussi faut-il trancher avant que le mal ne se répande dans l'ensemble du corps intellectuel taurin français qui n'a pas besoin de ça : le toro de combat est "res propria" (il existe un propriétaire) et donc un animal domestique, on ne le dira jamais assez ; et puis c'est mieux pour nous, imaginez qu'il soit classé chassable, espèce protégée ou animal de compagnie... 

Claude Popelin (1899-1981) (un parisien), dans le célèbre ouvrage "Le Taureau et son Combat", à la page 17, attribue l'historique loi de 1850 au  duc de Grammont, ministre de Napoléon III « qui n'hésitait pas à présider les premières corridas de Bayonne aux côtés de l'Impératrice Eugénie ». Erreur mon pote, ce n'est pas le bon Grammont. Il s'agit en fait du député Jacques Philippe Delmas de Grammont (1796-1862) qui fut général et qui avait fait les campagnes d'Afrique et commandé le huitième hussard, nom de Dieu. 

Ce brave homme aimait les chevaux et s'indignait qu'on les maltraitât. Aussi avait-il fondé la Ligue Française de Protection du Cheval en 1850 et, le 2 juillet de cette année-là, il fait voter à l'Assemblée Nationale Législative un texte qui dit « Seront punis d'une amende de cinq à quinze francs, et pourront l'être d'un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ». 
Qu'importe, en septembre 1922 à Béziers, le Juge du tribunal de simple police, M. Cailler,  prononce la relaxe de six "toréadors" prévenus d'avoir mis à mort des taureaux. 
M. Cailler « déclara que les taureaux ne sont pas animaux domestiques protégés par la loi Grammont ; que l'auteur de cette loi a présidé lui-même une corrida à Bayonne, où assistaient l'empereur et l'impératrice...». * 

Double erreur ou mauvaise foi d'un juge aficionado qui non seulement se trompe de Grammont mais affirme que le toro n'est pas un animal domestique alors même que depuis le 16 février 1895, la Cour de Cassation, constante, affirmait le contraire. 

El Ubano

* Maurice Ferrus (1876-1950) (un bordelais) auteur de La Corrida à travers les âges (1925) qui vient d'être réédité par l'UBTF.

dimanche 16 février 2014

¿ A donde vas, Fiesta ?


El escándalo del toro despuntado ha llegado a su auge en toda le República Mexicana.
¡ Todo se despunta ! ; lo chico, lo grande y lo mediano, los fierros conocidos y desconocidos. Dicen que hay excepciones, pero a mí, en los pueblos, no me han tocado. Y a todo esto, algunos matadores hacen gala de su falta de seriedad mientras otros se dejan llevar por la comodidad impuesta. Acompañan el ambiante degenerado algunos mozos de espadas que presumen de ser doctores en la materia del afeite, aunque en realidad de poco sirve esta especialización ; la desfachatez es tal, que los astados ya salen al ruedo con los pitones cuadrados ; el público nada dice y la autoridad se calla. Ignoro el motivo del silencio de las autoridades, pero hay casos en que éstas son empresa, lo cual explica algunas anomalías.

Por otro lado, en los pueblos se están ahorrando gastos con las mulillas que entre alegres cascabeles deben marcar en noble fin del toro. Y para suplirlas se introducen tractores. Será muy práctico pero poco tradicional, poco serio y francamente feo. Por la misma orden de ideas podrían usarse tractores en la suerte de varas y espadas eléctricas para la muerte del toro.

Y como si todo lo expuesto fuera poco, cada vez salen más toros con menos fuerza. En las recientes seis corridas que he presenciado, incluyendo algunas en la capital, no se ha visto ni un quite. Hace años hubiéramos visto, en seis corridas, un mínimo de ciento ocho quites. Y es que ya no es menester quitarle el toro al caballo, sino más bien quitarle el caballo al toro.

No está por demás que se haga hincapié en todas estas realidades. No es que les tenga poco cariño a los matadores contemporáneos ; pasa todo lo contrario : veo a muchos recordando, en sus figuras, las bien queridas siluetas que repartieron conmigo otros soles y otras sombras. Lo que ocurre es que perdí a varios compañeros trágicamente muertos en el ruedo. Y no me parece admisible que se deshonre o se menosprecie una profesión que les ha costado la vida a tantos toreros decentes.

Conchita Cintron

Guadalajara, 1975.

jeudi 13 février 2014

Militona mon amour

Militona n’est pas un chef d’œuvre de la littérature taurine  et Théophile Gautier n’a pas fourni un effort démesuré sur ce coup là. Le Voyage en Espagne est bien plus savoureux.

Militona, c’est l’histoire d’un aficionado madrilène, Don André de Salcedo, attaché à des valeurs traditionnelles et fiancé à une jeune bourgeoise branchée, friquée et superficielle, Doña Féliciana Vasquez de los Rios. Une pénible qui joue du piano pour un oui ou pour un non, ne mange jamais de churros  et ne pratique  pas la cubata de Havana Fanta. Doña Féliciana tient la fiesta brava en horreur.

Or, coup de théatre, Don André tombe amoureux  de sa voisine de tendido (chose qui arrive dans la vraie vie…), une jeune aficionada des classes populaires : la belle Militona. Mais Juancho, un torero magnifique, farouche, ombrageux et un brin bourricot est fou de Militona. 

Don André recevra un coup de couteau de Juancho, Militona soignera Don André et tenez vous bien... Doña Féliciana découvrant le poteau rose épousera  un dandy anglais de dépit (chose qui n’arrive jamais dans la vraie vie…). 
La folie de Juancho se soldera à la fin du bouquin par un coup de corne assumé et mortel qui mettra fin aux souffrances du torero éconduit et « fiancicide ». Et tout finit bien pour les tourtereaux qui fileront le parfait amour du côté de Grenade.

Voilà... bûchez-le... on ne sait jamais... ça peut sortir à une tertulia à Orthez en juillet.

El Ubano

lundi 10 février 2014

Un jour, je banderillerai comme Gaona


La fameuse "paire de Pampelune" de Rodolfo Gaona

C'est ce que Román "El Chato" Guzmán avait coutume de dire. Tout le temps. Comme une litanie incantatoire qui prenait corps à chaque fois que sonnaient les clarines annonçant le deuxième tercio lors duquel il officiait.
Alors même qu'il avait intégré les cuadrillas des plus grands maestros de l'époque (Pepe Ortiz, Alberto Balderas, El Soldado, et tant d'autres), il ne cessait de répéter : "Algun día llegaré a banderillear como lo hace Gaona". 

Avant d'être inspiré par Rodolfo Gaona, El Chato rêvait d'être boxeur. Un boxeur puissant, arrogant, et qui aspirait à devenir le meilleur, ça va de soi. Sauf qu'un jour, il a pris une telle raclée par son père que son afición au punching ball en a été bigrement refroidie. Elle a dû être carabinée la rouste car le gamin a alors suivi la voie empruntée par son frère, Hilario Guzmán : la voie des toros. Et celle-là, malgré les coups, il ne l'a jamais quittée.

El Chato Guzman essayant toujours d'imiter son idole

Près de l'endroit où les toreros en herbe s'entrainaient, il y avait une fabrique d'allumettes. A l'époque, il y avait des séries spéciales de boîtes d’allumettes qui représentaient des images de toreros en vogue. Peut-être qu'il y avait aussi des séries spéciales de boîtes avec des pin-ups. Ou les premières voitures fabriquées en série.
Toujours est-il que El Chato s'est mis à collectionner celles sur lesquelles apparaissaient Rofolfo Gaona. Il était subjugué. Il avait une idole. Et il disait déjà : "Algun día llegaré a banderillear como lo hace Gaona". 

Roman El Chato Guzmán est sorti 139 fois a hombros et s'est vu remettre certains prix initialement destinés aux matadores.
C'est lui qui, en 1947, a donné la première passe de capote et cloué la première paire de banderilles en la Monumental de México et en la Plaza "El Toreo de Cuatro Caminos".
Il fut également grand défenseur de sa profession et fondateur de la Unión Mexicana de Subalternos. Un autre jour, il sera question de cette Unión Mexicana de Picadores y Banderilleros. 

Roman El Chato Guzmán était un immense banderillero dont l'étincelle torera a jailli d'une boîte d'alloufs.
Il était bankable mais, quelle que soit la plaza d'accueil, quel que soit le toro à affronter, et même s'il n'a forcément pas toujours eu l'occasion de briller, il a invariablement banderillé en se disant : "Algun día llegaré a banderillear como lo hace Gaona". 


Zanzibar