mercredi 21 janvier 2015

Artiste Torero

Faire saigner la peinture - Niki de Saint Phalle - Séance de tir du 15 juin 1961


S’il est vrai que je répugne assez à associer les mots "torero" et "artiste" dans cet ordre, je jubile à chaque fois que peut se faire la combinaison inverse et que s’expose l’œuvre d’un "artiste torero".
Je ne parle pas de Loren et de ses peintures à muleta mais d’artistes de la performance qui voient leur œuvre s’évanouir sitôt qu'ils l'ont conçue et qui, à défaut de risquer leur peau, associent à leurs créations la radicalité de la mort et, par extension, un profond sens de la vie et de tous ses paradoxes.

Prenez Niki de Saint Phalle par exemple. Elle adorait voir ses tableaux saigner et mourir, alors elle les tuait. Pour ça, elle peignait au fusil, avec des balles de peinture, et c’est ainsi qu’elle a tiré sur les hommes, les églises, les pères, son père, la faim, la soif, l’inertie, la saloperie, les présidents. 
Dans d’autres cas, elle construisait dans le seul objectif de détruire. Parce que la destruction est un désir primaire, parce que détruire est nécessaire, et aussi parce que c'est poétique. N’est-elle pas allée jusqu’à réaliser une symbolique fin du monde dans le désert du Nevada ? Niki de Saint Phalle, terroriste artistique.
Quant à ses joviales, géantes et girondes « Nanas », elle ne les a pas fabriquées pour faire joli ni pour amuser les enfants mais pour « écraser les hommes de la manière la plus joyeuse possible » et pour "lutter contre l'esprit scientifique qui nous dévore". Quête inutile et pourtant si essentielle, à l'instar de celle de ceux qui foulent les ruedos et de quelques autres rêveurs...

Niki de Saint Phalle aurait pu être peintre et dessiner des bouquets de fleurs mais elle était plasticienne et torero, envers et contre tous, envers et contre tout. Et tout au long de sa vie d’artiste, elle a mis la jambe et s’est engagée. 
Pourtant, je ne crois pas qu’elle ait jamais « tué » de toros. D'ailleurs, on s'étonne même que ces derniers soient si peu présents dans sa carrière... sans pour autant en être totalement absents. On en trouve notamment dans ses « Accouchements » (dans l’« Accouchement Rose » il est veleto, dans l’« Accouchement Blanc » il est totalement bizco). 

Toutefois, son toro le plus fameux, elle l’a lidié à l'été 1961 : c’était le toro de fuego qu’elle avait confectionné avec son Tinguely de mari pour la corrida dalinienne du 12 août à Figueiras, organisée par Dali himself et en son propre honneur. Au cartel : Curro Girón, Fermín Murillo y Paco Camino face à des toros de Molero Hermanos. Je n’ai pas de photo de ce toro de feu. Elle lui avait farci le ventre de feux d'artifice et il a explosé à la fin de la course.

Si vous allez voir la rétrospective Niki de Saint Phalle au Grand Palais* surtout prenez le temps de regarder les vidéos et vous verrez que je n'exagère pas quand je parle de la grande toreria de cette figura absolument hors du commun.

Zanzibar

* Jusqu’au 5 février prochain

1 commentaire:

  1. bonjour , Niki ne tirait pas avec des balles de peinture mais avec une 22 long rifle a balles normales et sur une planche de bois où elle avait fixé des ballons remplis de peinture et méme des fois avec des œufs des pates du riz , les balles en crevant les ballons composaient l'œuvre !
    bernard

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