mercredi 17 décembre 2014

Publications

Aquarelle de E. E. Vidal couverture du Tome 1

On ne présente plus Emmanuel de Monredon qui se distingue cette année avec la publication de deux carnets consistants de 300 pages chacun réunis dans un coffret ; le tout publié par l'UBTF.
Là sont compilés les « récits de voyageurs francophones au XIXème siècle » évoquant « Les Taureaux de l' Amérique Espagnole ». L'éditorialiste de Toros a retenu les anecdotes et organisé son travail de manière originale. Cette mise en forme n'est ni chronologique ni géographique mais d'avantage attachée aux détails, aux contextes, aux références.
Nous aurons l'occasion de présenter dans ce blog quelques extraits susceptibles de mettre en appétit les amateurs du genre.


Pilets en famille

Quelques milliers de kilomètres moins loin... La Camargue en son delta est évoquée par Didier Leclerc, Tristan Cabral et Alain Dervieux qui s'unissent pour tirer fort sur la sonnette d'alarme dans un livre publié aux éditions Sansouïre « Quand vient la mer au delta de Camargue ». Trois compétences au service d'un enjeu majeur, l'ouvrage doit paraître le 19 décembre et une signature est envisagée le 20 à 15h à la salle St Jean et Pons Dedieu à Arles.
Nous tenions à saluer la générosité que suppose ce type de travail et, là aussi, nous nous attacherons à proposer quelques extraits.

El Ubano

dimanche 14 décembre 2014

Les délires flagrants du tribunal

Naguère, le 10 mars 1998, le sévillan José Domingo Ruiz Florencio a entendu deux habitués des clients de son entreprise dénigrer Curro Romero. Profondément outragé par de tels propos (on s’était moqué du peu de courses toréées par le Faraón de Camas cette année-là), Ruiz Florencio a haussé le ton et en serait volontiers venu aux mains s’il n’avait été arrêté dans son élan par un gardien. Quelques minutes plus tard, il était remercié par son patron.
En février 1999, ce licenciement a été jugé abusif par la Chambre sociale du Tribunal Supérieur de Justice de Séville. En effet, le juge a estimé que l’admiration qu’un aficionado sévillan pouvait porter à Curro Romero était un sentiment « exigeant le plus grand respect de la part de ceux qui le partagent, comme de ceux ne le partageant pas, et que lorsqu’on venait à lui en manquer, une réaction ardemment défensive, de la part de celui qui se considérait offensé, était à prévoir ». Le magistrat n’a pas hésité à ajouter que le currisme était « un sentiment plus enraciné et profond qu’aucun autre, source d’une joie permanente, d’une inconditionnelle espérance et d’une façon de concevoir la vie »*. Una forma de entender la vida. Rien de moins. 
Ruiz Florencio a dû être réintégré par son employeur qui a été condamné à prendre en charge les frais de justice. Manuel Cisneros, l’apoderado de Curro Romero a affirmé que son poulain serait enchanté de cette sentence.

Mais ça, c'était avant.

Il y a quelques jours, le Tribunal Supérieur de Justice de Madrid a donné suite à la plainte d'une association animaliste qui dénonçait la mort de neuf novillos durant le tournage du très beau Blancanieves (les novillos toréés pour les besoins du film, devenus de ce fait impropres à une lidia ultérieure, ont finalement été tués dans les corrales de la plaza d’Aranjuez au fusil d’abattoir avant d’y être envoyés).
A ma connaissance, au fil des sentences et des recours, il a beaucoup été question des articles 24.3.g), 24.3.c) et 24.3.d) de la Loi 1/1990 et de l'article 14.d) de la Loi 32/2007. Il semble en outre que le juge ait longuement évoqué certaine procédure disciplinaire. En revanche, toujours à ma connaissance, il a été assez peu question de sentiment. Otra forma de entender la vida. Rien de plus.

NB : Avant de recevoir son Goya et de présenter son film aux Oscars dans la catégorie du Meilleur Film Étranger en 2013, Pablo Berger avait déjà dû surmonter les pires obstacles : sept ans pour trouver des financements, tourner et être enfin distribué.
Culture et tauromachie ne font décidément pas bon ménage...

Zanzibar 

* Merci à Alain Lavaud pour la traduction de la décision de justice. 

vendredi 12 décembre 2014

Colonialisme taurin (en quelques images)

Le "geste" de Felipe Bedoya

Photos extraites du numéro spécial "Homenaje a la Unión Mexicana de Subalternos"

Pour lire les circonstances de ce triste évènement, il faut cliquer ici






Así, con la detención de Felipe Bedoya y sus compañeros,

se dio paso a la solución del conflicto aquellatarde infausta…


mercredi 10 décembre 2014

Desperdicios


"Le célèbre Manuel Dominguez, mort à Séville, en 1885, à l'âge de soixante quinze ans, était criblé de cicatrices comme rarement le fut vétéran de la Grande Armée. Outre les éraflures, avaries, meurtrissures, horions, coups de cornes sans nombre, il eut quatre fois la cuisse traversée de part en part, un œil crevé, une profonde encornade près de l'anus, deux autres dans la fesse, une au côté droit. Il mourut, on le voit, couvert de blessures et de gloire.
Passé soixante dix ans, il tuait encore le taureau : sa dernière bataille fut livrée à Séville, en faveur des inondés de Murcie."

Anecdote racontée par Hector France dans le livre "Sac à dos à travers l'Espagne"
(édité chez G. Charpentier -1888).

dimanche 7 décembre 2014

Colonialisme taurin (en quelques mots)



Entrefilet paru dans

l’ABC du 5 janvier 1965

 

La vie taurine mexicaine a connu des épisodes particulièrement tumultueux.
De l’histoire qui suit, il existe presque autant de versions que de narrateurs, la confusion ayant été savamment entretenue par tous les protagonistes de l’affaire…

On est en 1964. Ángel Vázquez est à la tête de la plaza Mexico. Il est aussi apoderado de Paco Camino avec Manolo Chopera qui ne manque pas de lui vendre en lot ses autres poulains (El Cordobes, Victoriano Valencia, Fermin Murillo, etc.) que Vázquez n’oublie jamais de programmer dans son chaudron. En revanche, il semble beaucoup plus distrait quand il s’agit de payer leur dû aux subalternes mexicains qui commencent à s’en irriter sérieusement.

En parallèle, l’Union Mexicaine des Picadors et Banderilleros Mexicains lutte pour quelques autres bagatelles. Par exemple, en interne, pour désigner leur secrétaire général (ils ont fini par se mettre d’accord après diverses violentes algarades et quelques passages à tabac). Ou encore, en externe, pour obtenir les mêmes « privilèges » que les espagnols. Entendez par là que les subalternes mexicains revendiquaient le droit d’être payé au même tarif que les subalternes européens : embauchés en qualité de troisième banderillero dans les cuadrilles des matadores espagnols, ils demandaient à être payés au même tarif que les deux premiers.

Or, au moment du renouvellement de l’Accord Collectif entre les différentes instances du mundillo international, la Unión Mexicana de Picadores y Banderilleros exige que la dette contractée à l'égard de ses adhérents par l’empresa de la Monumental soit  précisément mentionnée dans le texte. Le sieur Vázquez refuse et assure lâchement ses arrières avec une clause disposant que l’accord signé prévaudrait sur toutes querelles d’ordre privé ou syndical.

Les  turbulents subalternes avaient certes une manière virile et peu reluisantes de régler leurs différends en interne mais ils savaient être solidaires quand il s’agissait de défendre leurs droits face au reste du monde.
La riposte ne se fait dès lors pas attendre : la Unión se met en grève jusqu’à ce que l’Accord soit rompu. Comme les subalternes espagnols sont tenus d’adhérer à l’Union Mexicaine lorsqu’ils travaillent en terre aztèque (l’inverse est également vrai quand les mexicains sont en Espagne), ils sont contraints à la grève par capillarité.
 
Les premières courses de la Temporada Grande ont donc lieu avec des matadores accompagnés de cuadrillas composées de… novilleros !

Le ménage Vázquez-Chopera contre-attaque en faisant appel à des « cuadrillas libres », ce qui en langage populaire signifie « libres de ne pas leur causer de tracas avec les exigences saugrenues du Syndicat » et c’est ainsi qu’est annoncé le cartel du dimanche 3 janvier 1965 : 6 toros de Javier Garfias pour Joselito Huerta, Victoriano Valencia qui confirme, y Jaime Rangel.

Ignacio Navarro Rios "El Jitoatero",

outré par la riposte des granaderos

envers les membres de la Unión

Monumental Plaza México - Le 3 janvier 1965

Pour la Unión, c’en est trop. Cette course ne doit pas avoir lieu.
Lorsque Gabriel Márquez, piquero espagnol de la cuadrilla de Victoriano Valencia, entre pour piquer le premier toro, Felipe Bedoya “El Hielero” et Antonio Martinez “La Cronica”  se jettent  en piste et désarçonnent le traitre. Pendant que les granaderos (la guardia civil mexicaine) se chargent de ces deux-là, Agustín Salgado “Muelon” déboule sur le ruedo avec quelques autres comparses. C’est la foire d’empoigne et les représentants de l’ordre laissent s’en donnent à cœur joie.

Après la prison, c’est l’heure des tractations. Mieux vaut ne pas s’appesantir sur ces dernières si l’on tient à conserver ce qu’il nous reste de foi en la nature humaine…

Gabriel Márquez n’a pas piqué ce jour-là, mais l’Accord n’a finalement jamais été rompu.

Zanzibar

jeudi 4 décembre 2014

L'Art du Toreo (III)


"Mais il faut parler un peu du taureau. Souvent, en sortant des arènes, on entend les aficionados commenter la bravoure de la corrida, sans penser qu’il est très difficile de voir, non pas même une corrida brave, mais un taureau vraiment brave. Sur ce sujet, nous-mêmes, éleveurs, nous trompons énormément, et nos erreurs viennent de ce que nous ne voyons pas les choses comme elles sont en réalité : cette réalité, c’est qu’il est contraire à la nature que le taureau soit brave, au degré et au sens où nous entendons ce mot pour la corrida. A mesure qu’il grandit, son instinct de défense s’accroit, car il doit apprendre à attaquer et à se défendre dans ses batailles avec ses propres compagnons ; et c’est là le danger des taureaux qui ont dépassé leur cinquième printemps. C’est à ce moment qu’atteignent au maximum leur intelligence ou leur instinct, et par conséquent leurs manies et leurs connaissances, donc, leurs difficultés pour le torero.
Nous, éleveurs, partons d’habitude de cette erreur, selon laquelle tous les taureaux ou presque, chargent : et bien ! c’est justement le contraire.

[...]

Étant donné leur manque de sélection, les taureaux (je parle en termes généraux) constituent un très vaste monde au caractère varié. A beaucoup de taureaux – je parle de TAUREAUX – il faut apprendre à charger. Pour cela souvent il faut que le torero montre au taureau qu’il a peur : il doit fuir pour donner confiance à son adversaire. Mais attention ! Fuir peu, sans quoi nous en arrivonsà ce que vous avez pu observer souvent : c’est qu’un taureau se jette inopinément sur un peon qui se trouve mal placé, c’est-à-dire à l’endroit où le taureau voit la sortie la plus facile. Alors, le peon n’a pas à demander son reste. Il est d’ailleurs curieux de voir que lorsque ce même peon rentre dans la piste, dès que le taureau le voit, même si alors l’homme et bien placé, il recommence la même opération. C’est, naturellement, parce qu’il y trouve plus de facilité puisqu’il croit, non sans raison, que cet individu-là a peur de lui. Tout ce que pense le public, c’est que le taureau est pris d’une phobie, ou que la couleur du costume ne lui plait pas.

C’est là une chose de la plus haute importance dans le toreo : le torero doit le savoir, et il doit savoir qu’on torée AUSSI en fuyant. Bien sûr, tout cela est plus complexe qu’il n’y parait à première vue ; j’appellerais volontiers tout cela la « superrègle », c’est-à-dire la somme des bonnes règles. Mais bref, laissons ce problème…" 

Domingo Ortega 

Extrait de l'Art du Toreo - Conférence prononcée à l'Athénée de Madrid le 29 mars 1950

mardi 2 décembre 2014

Besoin d'étiquette



Et pour fêter le passage à la quarante millième visite de ce blog érudit, une historiette un peu hardie voire leste...

« Au temps de Philippe III, la reine d'Espagne, qu'elle en eut envie ou non, était forcée de se coucher à neuf heures en hiver et dix en été. Lorsque le roi se sentait pris la nuit d'ardeur amoureuse, le règlement lui imposait une tenue officielle pour s'approcher du lit de son épouse. Manteau noir et soulier en pantoufles ; une bouteille en cuir passée au bras gauche pour lui servir de vase de nuit, une lanterne sourde d'une main et son épée nue de l'autre ; marcher en silence et ne pas tousser ».

D'après les mémoires de Madame de Campan et raconté par Hector France dans le livre "Sac à dos à travers l'Espagne" (édité chez G. Charpentier -1888).