mercredi 13 novembre 2013

80 pesos

Dimanche 10 novembre 2013. 
Monumental Plaza de toros México. 

31 mètres au-dessus du ruedo. Déclivité de 76°.
Les delanteras des générales sont conçues pour des fakirs. Je monte un peu.
35 mètres au-dessus du ruedo.
Curieusement, on a moins le vertige ici que dans les tendidos.
Il est 15h30 et déjà les peñas s'interpellent, Lucio vend sa première bière, et les longs courriers commencent à nous frôler. Dans les gradins, si j’en crois la quantité de nourriture qui transite, les 35000 présents doivent s’attendre à être assiégés et à ne pas pouvoir sortir du chaudron avant une bonne semaine. En se restreignant un peu, on devrait pouvoir tenir 10 jours.

Une heure plus tard, quatre microscopiques bonhommes prennent la tête du paseo. Ce sont Emiliano Gamero, El Juli, Joselito Adame et El Payo. Les 3 derniers, sauf à l'ordre d'ancienneté, on ne peut pas les reconnaitre. Le premier triche : il est monté sur un cheval.
Les toros (je suis en mesure d’affirmer qu’ils avaient 4 pattes chacun, mais je ne peux toutefois pas m’avancer en ce qui concerne la présence de cornes) sont de Fernando de la Mora (Santa Coloma).

El Juli ferait charger un tabouret, alors il fait charger son premier opposant dont il se tient certes un peu plus près que moi, mais pas tant que ça. A son second, il parait hébété, perdu, absolument sans envie. Epées scandaleuses à chaque fois. Mauvais lot. Mauvaise journée. Salut au tiers et silence.

Pour Joselito Adame, ce qui s’est passé est bien plus fâcheux. Avec ses deux adversaires très nobles, le torero est tombé de Charybde en Scylla finissant par faire passer son second à droite en le tenant par une banderille. Deux faenas vides de toute toreria et maculées d’une vulgarité crasse qui, 4 oreilles et deux arrastres lents plus tard, deviennent d’anthologie.
A Madrid, j’ai hâtivement pensé que Adame en avait plus dans la taleguilla que sous la montera mais, si le jeune homme a malgré tout deux sous de bon sens, il devrait rapidement arrêter de se jouer la vie avec vaillance pour aller cueillir les fruits du succès accrochés aux branches d'en bas, ceux qui assurent les sorties a hombros en forme d'éloge à la défaite de l'homme face à la bête.

El Payo a été injustement privé de la deuxième oreille de son premier adversaire (merci de ne jamais sortir cette phrase de son contexte) dans la mesure où il a sorti les plus belles séries au toro le plus complet de l’après-midi. Le dernier bicho ne valait rien. En revanche, le blondinet s’est entendu comme cul et chemise avec le toro de regalo (lui montrant plus souvent le premier que la deuxième). Et le palco de sortir deux nouvelles oreilles en se levant (ce qui est signe d'arrastre lent).

Ici, on n’a pas l’hypocrisie de dire que le salut de la tauromachie réside dans l’aficion française. Que les toros soient piqués, que les toreros se mettent de face, que le palco soit clairvoyant, tout ça importe peu. Ou plutôt si, ça importe. Car quand ça arrive, ça gronde. Et quand la plaza quasiment pleine se met à gronder...
La plupart des aficionados mexicains que j’ai rencontrés n'ont ni l’envie, ni le besoin d’avoir peur. Dans l’ensemble, ils ne sont pas aficionados a los toros. Ils sont aficionados à ce groupe d’appartenance un peu subversif (qui ne le restera que tant que l’épée sera admise dans le ruedo), bien habillé, très attachant, et toujours convivial, qui n'est pas sensible à l'orthodoxie de la lidia mais à la générosité du moment partagé et à la présence de la mort potentielle.

L’entrée m’avait coûté 80 pesos. Moins de 12 pesos par oreille.
Bonne tarde pour Lucio.

Zanzibar

2 commentaires: