mardi 14 janvier 2014

Col roulé

C'est l'hiver.
On prend plaisir à aller au grenier, à ouvrir les malles, et à farfouiller dans les bons vieux gros pull-overs faits main. On finit par en exhumer un, pas si ancien que ça, mais qu'on ressort avec plaisir chaque année aux premiers frimas. Un douillet. Un avec un col roulé. Un de ceux grâce auxquels on apprend à mieux ouvrir les yeux au printemps suivant. Un dont on ne savait pas forcément, à l'époque où il nous a été  offert, par qui il avait été tricoté.
 
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De l’abus de Chicuelinas...

Chicuelina de Sergio Aguilar à un toro de La Quinta
Vic 2009
« Un cinéma, c’est un écran avec tout un tas de fauteuils qu’il faut remplir » (Hitchcock). 
C’est comme une arène. Est-ce une raison suffisante pour céder aux sirènes de la facilité ?
Faut-il plaire à tout prix ? Et privilégier à ce point la com‘ ?...
Quel Avenir ? Quel Héritage ?

La  chicuelina  fût inventée par Chicuelo  (1920-1967) de Séville, s’il vous plait. Orphelin, il fut recueilli et instruit de la chose taurine par son banderillero d’oncle qui s’appelait Zocato, ce qui ne le rajeunit pas.

J’aime la chicuelina. C’est beau, c’est frais… C’est féminin, ça amincit.

Imaginez un peu : le Toro vient sur vous, il charge de loin, vous vous tenez bien droit, de face, votre cape ouverte et empoignée aux extrémités supérieures devant vous. Jusque-là, c’est bien.
Puis, vous indiquez d’un mouvement du tissu la direction que doit prendre la bête (droite ou gauche),  ramenez vers vous l’étoffe et faites passer l’animal  tout près, sous votre coude, seulement guidé par la moitié du leurre (faites gaffe quand même).
L’autre moitié, celle qui n’a pas servi, vous enveloppe élégamment et le Toro se retrouve pantois, ayant enfourné une cible qui, se dérobant, le laisse face au vide et l’arrête aussitôt  (pensez à vous retourner).
Vous pouvez réaliser la  chose mains hautes  - c’est pas mal  - ou mains basses : c’est mieux et très efficace puisque l’animal est presque toujours stoppé.

On appelle recorte toute passe ayant pour objectif de freiner sèchement un toro et la  chicuelina  est un  recorte. Telle est sa  fonction première.
Deux  exemples pour illustrer le propos : la demi-véronique est un recorte qui vient terminer  une  série de véroniques. La trinchera  conclut une série de muletazos.
L’espace d’un instant, enveloppé dans la cape,  elle vous transforme en geisha de soie rose et c’est une  belle manière de laisser le Toro immobile, en situation d’attaquer le cheval qui attend la rencontre. 

Mais que penser de la série de chicuelinas ? Trois, voire quatre  chicuelinas ?
 Et donc  autant de  recortes  adressés à un animal vif et  droit ? 
Quelle utilité y a-t-il à sanctionner un tel animal ?
Avons-nous jamais vu une série de demi-véroniques ou une série de trincheras ?
Cela  n’a pas de sens, excepté  celui de  briller.
Les chicuelinas  répétées  se transforment alors en passes de châtiment d’autant moins justifiées que vous  ne les verrez jamais appliquées au Toro dangereux qui mériterait d’être traité de la sorte pour le bon déroulement du combat.

La série de  chicuelinas  est contre-productive car elle demeure une série de passes sèches inadaptée au bon toro ; hypothéquant la qualité et la quantité de sa charge par la suite. 
Une chicuelina, OK. Au-delà, c’est idiot.  Pensez-y avant de les faire.

El Ubano
(texte paru dans le petit Journal du Plumaçon en juillet 2010, et toujours d'actualité)

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