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Relance al capote de Goya
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Par la fin... Il eut été bien injuste
qu'il ne sorte rien d'une féria qui alignait des cartels aussi
respectables. Or un désespoir poignant se lisait sur les visages
fatigués des aficionados les plus aguerris au soir du dernier soir.
Comme un pichet de bière tiède, les
Adolfo dépourvus de gaz, nous plongeaient dans l’hébétude, les
Pagès Mailhan nous enfonçaient dans le coma et seul un Cebada Gago
nous maintenait assez de vie pour prendre la mesure de la
misère moite qui dégoulinait dans nos âmes et entre les omoplates. Un soir de Toros, une féria ou
quarante années d'afición ne se prolongent que par la grâce inspirée
d'un Morante ou le magnifique instinct de conservation de
Cantinillo. Sans ces moments d'exception, la
tauromachie à pied telle que nous la connaissons ne se survivra pas.
Le mano a mano des banderilleros du
premier jour nous a porté son lot de... banderilles, très
professionnelles, risquées parfois. Banderilles – plat de
lentilles, ça cale avec le petit salé, mais on ne vient pas pour
ça, il y faut rajouter une entrée ! un dessert ! que
sais-je... des danseuses !
Les Pagés-Mailhan-vive- la- France étaient beaux et sentaient bon le sable chaud. Porteurs de nos
espoirs nationaux, du coq provençal, ils étaient... mous et mon
voisin coureur d'encierro, avec qui je m'engueulais presque, les
trouvait plutôt... cons. La vérité se trouvant sans doute
quelque part entre nous deux, je refuse de revivre une quelconque
reconstitution.
Ami Vilches, merci pour tes
naturelles. Valeureux Mota, gloire à ton sérieux et à ton
engagement. Cher Aguilar, olé à ta combativité. Mais de
Cebada Gago il n'y en eut qu'un... le dernier.
Quelques pichets de bière plus
tard… On se retrouve, toujours les mêmes 6000 rêveurs, en hypoglycémie de toros quand débarque le premier Dolores blando et
mansote, puis un second manso encasté, fils de plusieurs générations
de patates chaudes, il sera très piqué. L'avisé troisième
n'est pas tendre non plus, Lamelas s'entête à le gaver de trop de
passes trop longtemps pour un tout petit résultat. Le quatrième
régale d'un batacazo, il sort seul des deux puyas, et décompose sa
caste au lieu de l'étaler.
"Como antes" dit la
devise du nouveau CTV... et l'Esprit de Pentecôte vint à
souffler avec le cinquième, très bien présenté, genre qualité
supérieure, manso con casta et sin fijeza ce qui ajoutait à son
charme, il sortira seul de cinq rencontres au cheval et mettra en
difficulté les banderilleros vedettes. Castaño renonce à
l'affrontement et choisit de rester vivant par curiosité, pas fou, il veut
voir le sixième.
Il se nomme Cantinillo, il vit seul et
pèse 600kg. Assez renfermé, ses voisins ont déclaré à la
gendarmerie qu'il ne recevait personne, se montrait discret et
affable. A la "dehesa de Frias" on ne lui connait pas d’ennemis, ils sont morts. Il est beau et il fait peur.
« On s'enfuit, on franchit
les grilles ...».
Pétoche aussi dans les gradins des escaliers A.B.C...Y.Z à la
perspective d'un saut réussi. Le seul à ne pas perdre les papiers
et les factures sera Bonijol plutôt exposé mais sa passion du
cheval est grande.
Trois cartons au cheval en sortant seul
ne font pas un toro piqué et on est même loin du compte, Gabin lui,
le sait, et va chercher Cantinillo là où il est... au centre
si nécessaire. Les néo-aficionados s'étonnent et s'insurgent, le
palco tient des raisonnements... or IL FAUT PIQUER... on discutera
plus tard.
Et là, chère enfant, j'en suis à
regretter la présence du deuxième picador et l'application d'une
manœuvre d'encerclement subtile qui permette de piquer "al alimon"
comme il est prévu dans les traités de tauromachie. Mais déjà
résonnent les clarines et pour Lamelas, co-responsable du prématuré
changement de tercio, la mission est simple : tuer Cantinillo
avec une épée et un chiffon rouge.
Cela va prendre cinq
exaltantes mais interminables minutes dépourvues d'orthodoxie.
Minutes chargées d'incertitude : la
mort de Cantinillo ou celle de Lamelas.
Epilogue : estoconazo et descabello.
En récompense Lamelas obtiendra
une oreille d'un palco mesquin mais souverain, deux vueltas
triomphales, des contrats, et notre estime à jamais.
Bon anniversaire patronne.
El Ubano