dimanche 14 décembre 2014

Les délires flagrants du tribunal

Naguère, le 10 mars 1998, le sévillan José Domingo Ruiz Florencio a entendu deux habitués des clients de son entreprise dénigrer Curro Romero. Profondément outragé par de tels propos (on s’était moqué du peu de courses toréées par le Faraón de Camas cette année-là), Ruiz Florencio a haussé le ton et en serait volontiers venu aux mains s’il n’avait été arrêté dans son élan par un gardien. Quelques minutes plus tard, il était remercié par son patron.
En février 1999, ce licenciement a été jugé abusif par la Chambre sociale du Tribunal Supérieur de Justice de Séville. En effet, le juge a estimé que l’admiration qu’un aficionado sévillan pouvait porter à Curro Romero était un sentiment « exigeant le plus grand respect de la part de ceux qui le partagent, comme de ceux ne le partageant pas, et que lorsqu’on venait à lui en manquer, une réaction ardemment défensive, de la part de celui qui se considérait offensé, était à prévoir ». Le magistrat n’a pas hésité à ajouter que le currisme était « un sentiment plus enraciné et profond qu’aucun autre, source d’une joie permanente, d’une inconditionnelle espérance et d’une façon de concevoir la vie »*. Una forma de entender la vida. Rien de moins. 
Ruiz Florencio a dû être réintégré par son employeur qui a été condamné à prendre en charge les frais de justice. Manuel Cisneros, l’apoderado de Curro Romero a affirmé que son poulain serait enchanté de cette sentence.

Mais ça, c'était avant.

Il y a quelques jours, le Tribunal Supérieur de Justice de Madrid a donné suite à la plainte d'une association animaliste qui dénonçait la mort de neuf novillos durant le tournage du très beau Blancanieves (les novillos toréés pour les besoins du film, devenus de ce fait impropres à une lidia ultérieure, ont finalement été tués dans les corrales de la plaza d’Aranjuez au fusil d’abattoir avant d’y être envoyés).
A ma connaissance, au fil des sentences et des recours, il a beaucoup été question des articles 24.3.g), 24.3.c) et 24.3.d) de la Loi 1/1990 et de l'article 14.d) de la Loi 32/2007. Il semble en outre que le juge ait longuement évoqué certaine procédure disciplinaire. En revanche, toujours à ma connaissance, il a été assez peu question de sentiment. Otra forma de entender la vida. Rien de plus.

NB : Avant de recevoir son Goya et de présenter son film aux Oscars dans la catégorie du Meilleur Film Étranger en 2013, Pablo Berger avait déjà dû surmonter les pires obstacles : sept ans pour trouver des financements, tourner et être enfin distribué.
Culture et tauromachie ne font décidément pas bon ménage...

Zanzibar 

* Merci à Alain Lavaud pour la traduction de la décision de justice. 

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