lundi 9 février 2015

Des toros à Cauterets

Luis Mazzantini est né 6 ans après la Loi Grammont, ce dont il s’est éperdument fichu jusqu’à ses 24 ou 25 ans puisqu’il n’a jamais envisagé de se faire torero avant cet âge avancé. 

Les débuts sont durs, très durs pour cet homme qui n’entend rien aux toros mais qui se retrouve avec charge d’âmes et a grand besoin d’argent après la mort prématurée de son père. A cette époque où il convenait d’être banderillero avant de se voir conférer l’alternative, Mazzantini décide de s’affranchir de ce passage obligé et, par la seule force de sa volonté, finit par devenir le plus grand tueur de son époque, maître absolu du volapié.
Bientôt, Don Luis est tellement populaire qu’il est appelé à toréer partout, y compris là où c’est interdit. C’est ainsi qu’il débarque à Cauterets en juillet 1881*. Certains pourront s’étonner de cette date puisque le 17 juillet de cette même année il n’y avait pas l’ombre d’un tendido dans la ville thermale. Mais cent six ans avant l’avènement de l’ISO 9001, le Conseil Municipal a fait construire une plaza d’une capacité de 3000 places, réunissant « toutes les conditions de solidité et de sécurité » en moins de 15 jours !

La cuadrilla espagnole du cartel inaugural est composée de Luis Mazzantini, premier espada, Gonzalez de Canina, Romualdo Puerto et Ramon Marquez. Ces messieurs sont accompagnés d’une compagnie d’écarteurs à la tête de laquelle on trouve Paul Daverat accompagné de Candau, Pinon, Boniface et quelques autres. Quant aux vaches et aux toros, ils viennent « des meilleures ganaderias ».

La Gazette de Cauterets

du dimanche 24 juillet 1881

Dans le Journal de Cauterets, Ernest Wallon ne ménage pas son enthousiasme pour cette première course où l’élégance des dames le dispute aux belles manières de tous les « caballeros » en piste. Par-dessus tout, il se réjouit  du fait qu’aucune goutte de sang n’ait été versée…
 Le compte-rendu de la corrida suivante est signé par Alfred de Rieux. Il y est toujours question des costumes resplendissants mais aussi des péripéties dramatiques de la course : avec la complicité des autorités, Mazzantini a mis un coup de canif dans la loi Grammont et un coup d’épée dans la toro. La tarde fut un succès.
La troisième et dernière corrida du cycle sera organisée au bénéfice de la cuadrilla espagnole et de Paul Daverat. On peut supposer que Mazzantini n’aura pas résisté à estoquer son adversaire.

L’enthousiasme provoqué par cette nouvelle « attraction » est retombé comme un soufflé. En 1890, dans un sursaut de velléité taurine et alors que les arènes de bois érigées comme par enchantement neuf ans plus tôt sont détruites, un nouveau Comité des Fêtes songe à reconvertir la piste du law-tennis  en ruedo. Le projet ne verra jamais le jour.

En 1895, Mazzantini est repassé par la station thermale et Le Réveil de Cauterets - journal mondain, artistique, littéraire et d’intérêt local - envisage à cette occasion l’organisation de nouvelles courses mais en tenant compte cette fois-ci des « interdictions très raisonnables des corridas espagnoles avec mort ». La garbure avait beau être copieuse et goûteuse, Mazzantini a naturellement passé son chemin sans s’attarder.

Zanzibar

NB : l’Abbé Pragnère raconte dans son livre de souvenirs de chasse « A la poursuite des izards » :
« J’étais tout enfant quand, d’un convoi de taureaux de course venant d’Espagne aux arènes de Cauterets où de belles corridas étaient données vers 1880, un redoutable encorné s’échappa pendant le débarquement en gare de Pierrefitte ; il gagna la plaine, puis après avoir traversé le gave à la nage, la montagne d’Artalens. »
L’histoire ne dit pas ce qu’est devenu ce toro...

* Merci à Marie-Paule Mengelle de m’avoir fourni les coupures du Journal de Cauterets qui m’ont permis de bâtir cet article.

2 commentaires:

  1. Pourquoi il y en a qui ont pleins de bonnes reponses et qui n'ont pas de trophees?

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  2. Cher anonyme,
    Je suppose que vous faites référence aux réponses du jeu des captures publiées ci-dessus.
    Les 3 premiers répondants n'ont effectivement pas reçu de trophées "classiques" mais, je les connais, ils sont bien au-dessus de tout ça et auraient même pu être vexés d'avoir affaire à un palco laxiste !
    Leurs prix honorifiques respectifs n'en ont que plus de poids.

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