lundi 6 juillet 2015

Céret, creuset de l'aficion catalane

Depuis l’époque où, dans le haut Vallespir, on faisait « courir » dans des arènes de fortune, les vaches de la montagne, la corrida est descendue vers la petite ville.
Cela a commencé à la Place du Château où, si on y guillotinait les « trabucaires », il ne semble pas qu’il y ait eu de mises à mort de toros. Puis, avant 1914, il y eut les arènes en bois de l’ancien « escourxadou » ; pour le Saint Ferréol on y donnait chaque année six toros dont le dernier était mis à mort. C’était l’époque glorieuse de l’Arlésien Altèze, héros attitré de ces fêtes, c’était l’époque où la grande prouesse des gamins de la ville consistait à s’échapper de leurs quartiers pour rôder autour de l’abattoir, les grands s’emparaient des cornes des bœufs qu’on venait d’abattre pour « faire » les toros, et les autres, honneur insigne, jouaient aux toréros. C’était le commencement de la Corrida à Céret.

Entre les deux guerres, des arènes y furent construites en dur. Elles nous permirent d’avoir et de voir des « corridas formelles » et à l’aficion du Vallespir de se polariser autour de sa Sous-Préfecture. National II nous initia aux lances de cape émouvantes avec son « pont tragique », Barajas fut le premier à y banderiller avec brio et Luis Freg, l’homme aux cinquante-six blessures, nous y donna le goût du courage et de l’estocade classique.
Mais, ensuite, l’alternance des cartels de fortune et des capéas sans picadors fit que, au lieu de progresser, le public s’embourba dans la médiocrité.

Après 1944, ce fut la série noire des spectacles sans valeur, des courses sans toros, des toréadors sans vergogne et souvent des sans…culottes – ce qui était bien plus le signe de leur médiocrité que de leur courage –. Alors, le véritable aficionado en était à regretter les rodomontades, au moins amusantes, de « Romanones » devant le toro « emboulé » et certains, revenant déçus des arènes disaient : « Pour Céret… pour Céret ce n’était pas si mal… » Seulement les arènes de Céret étaient en train de sombrer dans l’abomination de la désolation.

Et voici que, depuis une dizaine d’années, sous l’impulsion d’une Direction nouvelle et intelligente – sans doute aficionada aussi, ce qui est rare et ne gâte rien – on a compris que le public Cérétan était naturellement porté vers la corrida et que, ce dont il avait le plus besoin, c’était de voir de Vrais Toros et de bons toréros pour mieux comprendre et apprendre et pour mieux éprouver ce besoin impératif de revenir aux Toros. Des toréros, jeunes alors, et qui, plus tard, se sont affirmés tels que El Viti, Pedrosa, Puerta et Herrera, se sont succédé dans nos arènes. Pendant dix ans la novillada, avec des bêtes et des toreros valables, fut renouvelée à peu près sans interruption. A la pantalonnade succédait enfin le combat véritable, la corrida reprenait tout son sens et le public s’épanouissait à telle enseigne qu’on nous annonce que, dès 1962, les quatre tardes de ces dernières années vont être portées à six.

A force de voir un toréo, modeste sans doute, mais vrai et authentique dans sa sincérité devant des toros de respect, le Catalan du Roussillon et du Vallespir, dépourvu, lui, de préjugés vis-à-vis de l’Espagne, a pu donner libre cours à son aficion certaine et la petite cité Cérétane est devenue la seule de Catalogne (Barcelone excepté) et du Roussillon où la corrida est le mieux implantée et le mieux comprise, où elle progresse et où l’aficion se forme.

Sans doute tout n’est pas encore parfait, loin de là, mais l’élan est donné et si la bonne voie n’est pas délaissée pourquoi, après avoir été appelée la Mecque du Cubisme, Céret ne deviendrait-elle pas La Mecque de l’Aficion Catalane ?

Paul Ey – Extrait de « Le Catalan, le Cérétan et les Toros » – Article publié dans le magnifique « Toros en Céret » (en 1962, je crois)

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