mercredi 4 décembre 2013

La Faena



Quand on entre dans ce couloir limite désaffecté, la première chose qu'on voit ce sont les fresques : un torero plastronnant avec la queue d'un invisible adversaire, un matador se dressant en un pontifiant desplante face à un toro qui s'écroule sous une épée verticale (tout y est, y compris l'hémorragie), les scènes de capote, le majestueux paseo, et j'en passe.

Au bout du hall éclairé d'une lumière sale et crue, à droite, on arrive dans une sorte de faille spatio-temporelle. Si on passe la porte, on atterrit en 1954 dans l'antre de la cantina La Faena, quartier général des membres de l’Association des Novilleros Mexicains, aujourd’hui cantina-museo-taurino.

Les rares clients, le serveur et la cuisinière sont d'époque. En fond sonore, Chavela Vargas, Vicente Fernandez et Paquita la del Barrio alternent avec Orchestral Manoeuvres in the Dark, Marilyn Manson et Marillion.
 
C’est une grande salle. Haute de plafond, froide et poussiéreuse. C’est une caverne qui dégueule de splendeurs venant d’un passé dont on sait instinctivement que celui-ci n'a pas dû être que glorieux. Ça transpire la solitude et l’amertume. Pas le spleen, bien trop romantique, plutôt la désespérance. Mais surtout la solitude.

Et puis il y a ces quelques noms, sous des mannequins de guingois et des vitrines sales présentant des habits de lumières qui ne brillent plus du tout (mais ont-ils jamais vraiment beaucoup brillé ?) et qui sont tous désormais uniformément gris : Güero Merino, Abel Flores, Juanito Scamilla, Gaston Santos, Lorenzo Garcia. Il y a bien un costume de Juan Belmonte, mais on a vite fait d’apprendre que cette relique ne date pas de la grande époque. Rien qui évoque un quelconque triomphe ni la jeune donzelle tombant en pâmoison lorsque le torero lui offre la mort d'un toro. Non, ici, il n’y a rien que des rêves gercés, de l’obscurité et des souvenirs cruels.
 
Curieusement, c’est le juke-box, seul stigmate d’une modernité incompatible avec le lieu, qui m’a mis la larme à l’œil. A moins que ce soit la sauce verte des enchilladas. A chacun ses alibis.

Quand on est à Mexico, qu'on est seul, qu'on va mal, et qu'on n'a pas du tout envie d'aller mieux, on peut se réfugier sans complexe à La Faena – Venustiano Carranza, n°49 Centro México DF.

Et sinon, quand on est à Mexico et qu’on a envie de parler de toros, on peut aller au Gallo de Oro (Venustiano Carranza, au n°35, à deux pas de La Faena). L’aficion s’y cache discrètement sous un coq doré et il parait qu’on y refait tous les lundis la course du dimanche. Pour la petite histoire, le Gallo de Oro est la cantina la plus ancienne aujourd’hui encore en activité (elle porte la licence n°3 et a été fondée en 1874).

Zanzibar

2 commentaires:

  1. Du Marillion!?

    On a trouvé l'adresse du bar de Fish:
    "So if you want my address it's number one at the end of the bar"

    RépondreSupprimer
  2. Ouaip. Marillion.

    En revanche point de Doors, ça l'aurait pourtant bien fait, et encore moins d’Alabama Song. Peut-être parceque qu’on ne trouve là quasiment que bière et tequilla...

    zanzi

    RépondreSupprimer