dimanche 16 mars 2014

Histoire incertaine d'un certain gentilhomme


Que ça soit dit sans chichi, je n’ai pas les talents d’enquêteur de l’Ubano. En fin limier de l’Histoire de la tauromachie, il ne nous a jamais servi que des histoires à l’indicatif alors que je vais vous en raconter une qui va rapidement tirer vers le conditionnel.
 
Lors de son voyage en Espagne, en 1846, Alexandre Dumas a eu l’occasion d’aller faire une partie de chasse dans la Sierra Morena. En réalité, la chasse était prétexte. Dumas, toujours friand d'aventures picaresques, souhaitait avant tout rencontrer les inaccessibles et fameux « gentilshommes » de la montagne (autrement dit, les bandits de la Sierra Morena, sorte de « robins des bois » à l’hypothétique grand cœur mais aux évidentes mauvaises manières).

Pepete (par Jean Laurent)

 

Photo prise entre 1861 et 1862

C’est à cette occasion que Alexandre D. père aurait rencontré José Dámaso Rodríguez y Rodríguez, mieux connu des aficionados sous le nom de Pepete. Les circonstances de cette rencontre ne sont pas très nettes mais il apparait que l’écrivain aurait pris le tout jeune torero pour un authentique coupe-jarret alors que celui-ci n’aurait eu pour mission que de guider Dumas et sa suite dans la Sierra. Toujours est-il qu’à bien regarder l’allure de Pepete sur la photo et en l’imaginant vêtu de hardes moins seyantes, on admet volontiers qu’il y ait eu matière à confusion. Et on apprendra sans s'en étonner outre mesure que son valeureux comportement dans l’arène s'apparente plus à celui du gladiateur qui cherche la victoire qu'à celui de l’esthète qui cherche à exprimer ses sentiments.

De cette rencontre, il n’est nullement question dans le récit de voyage « De Paris à Cadix ». On y croise bien quelques forbans et un torero mais aucun dont le portrait ressemblât à celui qui nous intéresse aujourd'hui. En revanche, il me plait de croire que la nouvelle intitulée « Les gentilshommes de la Sierra Morena » met en scène Pepete sous les traits d’un brigand qu’on devine doté d’un grand sens de l’honneur et nommé… El Torero. L’indice semble un peu trop massif pour être pris au pied de la lettre mais comme la subtilité n’est pas forcément la caractéristique première de Dumas et que c’est le seul argument dont je dispose, alors, j’ai décidé de voir dans ce personnage (dont la dimension littéraire est réduite à la portion congrue) une forme de brindis à Pepete.  

Ce que Dumas ne pouvait pas raconter, parce que ça n’avait de toute façon rien à voir avec l’intrigue de sa nouvelle et surtout parce que celle-ci fut publiée en 1849, c’est que Pepete serait un jour le grand-oncle de Manuel Laureano Rodríguez Sánchez « Manolete » et qu’il mourrait à Madrid en 1862, tentant de sauver son piquero au sol,  sous la corne de Jocinero. Un toro de Miura. 

Zanzibar 

NB : si la nouvelle intitulée « Les Gentilshommes de la Sierra Morena » n’a d’intérêt que pour les fans de Dumas, je recommande vivement « De Paris à Cadix ou Impressions de voyage » à tous les aficionados amoureux de l'Espagne.

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