jeudi 1 mai 2014

Rabal avant Juncal

Currito de la Cruz - 1964

Francisco Rabal a été vendeur ambulant dans son enfance. A 13 ans, il se fait embaucher à la Fabrique de Chocolat Gelabert et poursuit l’école en allant aux cours du soir d’un collège jésuite. A 16 ans, il devient électricien de plateau. Il voudrait bien devenir comédien mais n’arrive pas à dégotter le moindre rôle, même en tant que figurant. En 1946, alors qu’il travaille aux studios Chamartín, le réalisateur franquiste Rafael Gil lui demande un coup de main et, pour le remercier, lance de manière désinvolte à son assistant : « Le rôle, celui du paysan, on va le donner à Paco, avec sa tête de plouc… ». On en connait qui sont devenus des légendes avec moins que ça.

L’anecdote est mignonne mais fausse. Je veux dire que ça s'est peut-être passé ainsi mais Rabal n’avait pas du tout une tête de plouc : il avait une tête de jeune premier et l’allure d’un prince. Certains lui ont d’ailleurs mégoté une partie de son succès arguant que sa belle gueule en était à l’origine. Il lui aura fallu vieillir et subir un grave accident de voiture qui lui laissera une grande balafre au visage pour que, après enlaidissement, tout le monde s’accorde à saluer son talent.

Bien sûr, la période n’est pas idéale pour débuter dans le 7ème art. A quelques années de là, alors que l’Espagne est sclérosée et la culture censurée par le franquisme, Juan Antonio Bardem résume ainsi l’état du cinéma ibérique « Le cinéma espagnol actuel est : politiquement inefficace, socialement erroné, intellectuellement minuscule, esthétiquement nul et industriellement rachitique »

Avec Rafael Alberti dans l'atelier 

de Picasso pour ses 80 ans

Paco Rabal est fidèle et discret. Il n’a jamais renié ses amis (Bergamín, Garcia Lorca, Semprun, et bien d’autres…), ni ceux qui l’ont aidé quand bien même ils sont de l’autre bord, en commençant par Rafael Gil. Il est athée et communiste, ne s’est jamais dédit, mais ne le brandit pas non plus comme une bannière. Du coup, il apparait comme un bad boy très fréquentable aux yeux des bons franquistes qui ont l’impression de s’encanailler en le côtoyant. Toutefois, l’acteur signe de son vrai nom les manifestes dénonçant les excès du régime. Dans ses contrats, les producteurs, prudents, précisent que s’il est arrêté, ses émoluments seraient suspendus…

Rabal se comportait avec une immense toreria dans la vie et il a plus souvent qu’aucun autre été torero à l’écran. Il est le Aceituno de "Los Clarines del Miedo" de Antonio Román, le Juan Reyes de "A las Cinco de la Tarde" de Juan Antonio Bardem, il est le protagoniste du "Currito de la Cruz" de Gil et le Juan Carmona de "Sangre en el Ruedo" du même Gil. J’en  oublie sûrement…
Il a également été le Goya de Carlos Saura.
En revanche, on ne l’a pas vu dans "Rocco et ses Frères", ni dans "Sacco et Vanzetti", ni dans "Le Nom de la Rose" : pour diverses raisons, il a dû refuser.
Outre ceux déjà cités, ils sont nombreux ceux qui lui ont proposé de jouer face à leur caméra : Antonioni, Buñuel, Chabrol, Almodovar, Rivette, Friedkin, Torre Nilsson et j’en passe des dizaines (dont certains qu’il vaut mieux taire car il est aussi des productions dont on ne sort pas forcément grandi).
Mais le plus grand rôle de Rabal, c’est  Jaime de Armiñán qui le lui a offert en 1988.

On en reparlera.

Zanzibar

NB : Il n'y aurait pas eu de photos pour illustrer cet article (et il y aurait eu nettement moins d'informations) sans le livre d'entretiens de Manuel Rodríguez Blanco "Paco Rabal, un demi-siècle de présence"

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