mercredi 28 mai 2014

San Isidro - Novillada de Guadaira et Montealto

Manuscrit de "Madrid" - Camilo José Cela - 1966

Le prestige de Madrid a peut-être pris du plomb dans l'aile mais je persiste à croire que Madrid est Madrid et qu'il est bon d'y épater les anciens (même s'ils n'ont pas de compte twitter) quand on est ganadero et quand on est novillero. Hier soir, les zincs à la propreté douteuse de Bocangel et Pedro Heredia accueillaient aimablement les coudes de ces vieux abonnés mais aucun ne parlait de la novillada. C'est comme ça. Il y a des courses dont on ne parle pas à la sortie, ni en bien, ni en mal. C'est qu'elles ne sont assez mauvaises pour avoir envie de se révolter, ni assez bonnes pour avoir envie de se la remémorer.

Des 3 Guadaira (dotés de petites têtes et vraiment très laid le 3ème) et des 3 Montealto (mieux présentés), on peut retenir le compliqué premier, le relativement encasté et querencioso 4ème. Fades et nobles les 2ème et 6ème. Insipides le 3 et le 5. Tous insignifiants au cheval. 

Román a fait montre de vaillance (et d'encore plus de carences) à son exigeant premier qu'il se renvoyait sans cesse dessus. Faena trop désordonnée et pas assez poderosa pour ce toro rétif. Le gamin finit par mordre la poussière. Un sale moment à passer. Silence douloureux mais pas humiliant. Il avait mis du coeur. Le quatrième est sûrement celui du lot qui avait le plus de choses à raconter. De nouveau Román m'étonne : il essaie mais parait comme démuni techniquement (je m'attendais à l'inverse). Le compagnie de cette muleta qui n'arrive pas à assumer ses décisions ni à terminer ses passes finit par exaspérer le novillo qui ne tarde pas à prendre le dessus. J'espère que la sérieuse cuadrilla du futur matador saura lui dire qu'il est passé à côté d'un bon toro de 3ème tiers. A Madrid, ça n'se fait pas. Silence, écrasant cette fois-ci.

Posada de Maravillas est à mon humble avis un novillero très modeste que le public a trop tôt débarrassé de cette noble vertu. Résultat : il use du capote en esthète puis s'efface devant l'ombre de la bête en ponctuant toutes ses séries de gestes explicatifs destinés au public allant du "Vous n'avez encore rien vu !" au "C'est pas moi, c'est la faute du toro !". Aussi classe qu'un automobiliste parisien dans les embouteillages et aussi ennuyeux que possible. Bajonazo et silence. Il ondule de nouveau autour du 6ème, sans plus de bagage qu'à son premier, triste parodie de lui-même. Silence.

A son premier adversaire, Gonzalo Caballero tire une vraie passe pour 15 fausses et réussit à faire applaudir à l'arrastre un manso, noble mais sans classe. De la graine de figura ! Il a le desplante sobre, manie avec une science éprouvée le pico, mais sait se placer. De la graine de figura vous dis-je ! Demain, quand il sera figura donc, entre le chèque et l'engagement, je crains que son cœur ne balance pas longtemps. Salut au tiers après une épée bien envoyée. Je ne peux rien avancer en ce qui concerne son second combat pour cause de retrouvailles inopinées avec un vieil ami. Je peux toutefois affirmer que notre conversation n'a pas été interrompue par le moindre "olé" (ni par le moindre sifflet d'ailleurs). Silence, donc.

Avec D., on a eu tout loisir de tomber d'accord sur le fait que le monde était bien petit, on a regardé le dernier Montealto d'un oeil distrait, et on est allé boire des coups du côté des rues de Bocangel et Pedro Heredia, accoudés à des zincs à la propreté douteuse. On n'a pas parlé de la course. Il n'y avait pas grand-chose à en dire, si ce n'est que Madrid n'est plus Madrid...

Zanzibar

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