L'été 1846 (1)

Banderillera

"Quelques jours après notre arrivée, on nous annonça un combat de jeunes taureaux donné par des femmes. C'était un spectacle assez rare, même en Espagne, et nous ne pouvions manquer d'y aller ; mais cette représentation n'eut rien de pénible pour nous.

Ces femmes dont quelques unes étaient jeunes et assez jolies, affublées en picadores, allaient, sachant à peine se tenir à cheval, piquer le taureau, qui les renversait à chaque instant. L'une d'elle en tombant chercha de la main pour point d'appui les cornes même de l'animal, qui la renversa et la roula par terre.

Un taureau plus âgé l'eut tuée sans aucun doute.

Le peuple riait, mais ce spectacle, dépouillait du prestige de l'adresse, qui seul le rend intéressant et gracieux, n'éveillait en nous qu'un sentiment de pitié et faisait mal à voir.

Après ces femmes vinrent des matadors assez peu expérimentés ; l'un d'eux eut peur, et n'osa pas porter au taureau le coup de mort. Le peuple se mit aussitôt à réclamer à grands cris la prison.

On vint enfin l'arrêter. Il fut conduit devant le gouverneur qui lui fit une sévère réprimande, et l'envoya en prison sans autre forme de procès. On me dit qu'il en arrivait ainsi de tous les matadors sans courage.

Un autre vint à sa place et tua résolument le taureau.

Il fut écrasé d'applaudissements."

Extrait de " Deux artistes en Espagne"  d'Adolphe Desbarrolles, édité par Gustave Barba dans la collection "Le Panthéon Populaire".

El Ubano