jeudi 27 août 2015

Fake vs. verdad

Parmi les évolutions de la tauromachie moderne, il y a celles – comme, par exemple, le caparaçon – sur lesquelles on ne reviendra pas.
Et puis il y a les autres, celles qui s’imposent par effet de mode, par négligence, ou par confort, et qui ne sont en fait que de mauvaises habitudes.
Dans ce dernier registre, l’ « évolution » qui me parait à la fois la plus nuisible et la plus aberrante est celle qui consiste pour le matador à délaisser la lourde épée de mort au profit de la légère épée factice pendant tout le travail de muleta. Si j’osais, je dirais même qu’il s’agit là du péché originel de la tauromachie moderne. Ou, au moins, d’une hérésie.

De fait, sans l’épée, un matador ne peut pas tuer. Et face à un matador inoffensif (oxymore, s’il en est !), pourquoi l’idée de diminuer d’autant l’adversaire ne deviendrait-elle pas sournoisement acceptable ?
Et qu’est-ce qui distingue le matador des autres toreros (et, partant, lui fait gagner plus d’argent) ? Qu’est-ce qui justifie de sa condition de matador si ce n'est le port et l’usage de l’épée ? En choisissant l’épée-jouet, le modèle contrefait, en bois ou en fer blanc, il me semble que le matador déconsidère un peu sa charge et qu’il égratigne ainsi sa propre valeur.

Dans les faits, on ne compte plus les fois où cette irréparable absence d’épée de verdad s’est avérée nuisible au torero qui, en s’éloignant du toro pour aller chercher son estoque, a compromis un cadrage que le bicho lui offrait dans la foulée de la faena, de manière naturelle.  

Je connais bien un certain avocat du diable (que je ne citerai pas pour ne pas accabler l’Ubano) qui me répondrait que le toro moderne peut aisément être posé dans un coin du ruedo, se lâcher du regard sans risque, et ne pas être le moins du monde affecté par la défection momentanée du matador. Au contraire, ça lui permet de souffler…
Certes. Mais n’empêche ! A-t-on déjà vu un combattant demander à son adversaire de l’attendre un moment pour aller chercher son arme ? Au risque de verser dans l’illustration fallacieuse, imaginez le Blondin tournant quelques instants le dos à Sentenza et Tuco pour aller récupérer son pistolet…

Il est en outre assez cocasse de penser qu’une des qualités les plus appréciées chez un matador de toros est celle de templer, ce qui, me semble-t-il, consiste à savoir trouver le rythme secret du toro. On attend de l’homme qu’il se synchronise avec la bête, qu’il découvre sa cadence profonde. Mieux encore, on valorise l’absence de heurts et de rupture dans l’exécution de la faena de muleta. Et puis, patatras, on assiste impassiblement à la fracture imbécile, parfois brutale, toujours artificielle et paresseuse, qui précède la suerte suprême… Quelle absurdité !

Apprécions mieux Morante, César Jiménez, ou Mario Alcalde lorsqu’ils font l’effort de s’armer de la lourde épée dès la première passe de muleta.

Et admirons Juan Mora. 

Zanzibar

8 commentaires:

  1. On peut voir un magnifique enchaînement sans "temps mort" sur cette vidéo:
    https://www.youtube.com/watch?v=of1pjeUBQ7w
    Avec les commentaires du maestro en voix off.
    Le moment en question est à partir de 3:46

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  2. Chere Zanzi, ton post me rappelle un excellent papier du Tio Pepe qui se désolait de la même façon que toi, de l'utilisation de l'épée "factice"... et comme tu as raison de le faire ! Or, non pas parce que l'Ubano éclaire souvent mes questions les plus sombes comme chacun de nous, mais juste parce que je me suis fait également la reflexion récemment: comment comparer une lidia 2015 avec une lidia 1915 ? Comment comparer un toro 2015 avec un toro 1915? Bref, un peu comme le ferait Ubano, je pense que ces questions sont de moindres portées, aujourd'hui, avec le matos 2.0 fourni de nos jours. Que dire alors des terrains? Je souleve la question... je n'y reponds pas. ;)

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  3. Comme dit si bien Léotard : "L'avenir, c'était mieux avant". Mais sur ce coup-là, il s'agit moins de comparer que de redonner du sens. Enfin, je crois...
    Ceci dit, c'est un plaisir de te voir dans le coin mon grand. J'en profite pour te bisouiller, tiens !

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  4. Oui oui, tu as raison, mais ce que je veux dire, c'est qu'avec le toro actuel ( pour ne pas dire "moderne"), il ne faut pas s'etonner que les choses se fassent dans une orthodoxie moindre, ni même forcément y voir un manque ou un changement inopportun... on pourrait d'ailleurs, d'une maniere générale, repenser la chose depuis la sortie du toro, jusqu'à sa mort... quels sont les temps morts nécessaires et ceux, plutôt accessoires. Tant que j'y suis, je te bisouille également.... et à bientot, si j'en crois la rumeur...

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  5. Et que ça se bisouille ...sur un blog convenable......et les enfants.....C' EST PAS BIENTÔT FINI OUI ! ?

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  6. ce juan Mora,c'est bien celui qui se produira en Dax la semaine prochaine?

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