dimanche 11 mai 2014

Jour de toros

Paseo

Souviens-toi...

Il fut un temps où une course de taureaux représentait un évènement attendu, longtemps savouré. Nous rentrions très tôt dans ce moment particulier avec la même impatience qu'un enfant copte attendant noël dans la banlieue de Bagdad. 
Avant le jour de la course, nous ressentions le besoin impérieux d'obtenir des informations. On les trouvait dans deux ou trois cafés de la ville, à La Peña, autour de la mairie, ou dans le quotidien incontournable alors. Nous supputions avec fébrilité, et manœuvrions plus ou moins habilement pour voir ou simplement apercevoir les toros aux corrales. Mais, adolescents, nous étions vite repérés.
Nous surveillions aussi le ciel et les nuages avec appréhension, le spectre de l'annulation nous paraissait insupportable alors. Nous guettions les cuadrillas et les véhicules cossus exotiquement immatriculés à Huelva, Badajoz ou Valencia. Nous trainions vers le patio de caballos à l'affut d'une anecdote. Un banderillero cramé de soleil sortant de l'apartado nous paraissait comme un martien-gitan expulsé d'Andalousie.
Nous mettions en commun nos infos, nos convictions, nos espoirs et nos quelques francs en buvant des panachés et parfois même des sangrias glacées que préparait quelque aîné.
Il était difficilement concevable de se livrer à une activité sérieuse ou importante un jour de toros. Nous tuions le temps au chaud mais à l'ombre, sans rien faire de consistant, absorbés par la langueur, paresseux concentrés, accaparés par l'avenir quasi immédiat. 
Après la course et ce moment de dépression légère qu'accompagne la fin d'un rêve, nous retournions à la maison, nostalgiques, bavards, véhéments, avec ou sans tertulia.
Et pour que la magie dure un peu plus longtemps, on attendait que le lendemain, le chroniqueur-spécialiste  raconte avec beaucoup de style les moments épiques auxquels nous avions assistés : la reseña. On pouvait la lire et la relire, avant de la découper pour la ranger avec soin.
La multiplication des corridas et des commentaires qui l'accompagnent ont réduit la reseña à un machin surfait souvent improductif pour l'imaginaire, banal dans la plupart des cas. Trop de toros, trop d'infos, trop de "com", trop de pub, trop de chroniqueurs, trop d'images et donc... moins d'incertitudes, et donc moins d'illusions, moins de douce folie, et pour couronner le tout, ma chère, nous avons vieilli.

El Ubano

1 commentaire:

  1. Mon petit,
    Accompagnez-moi cette année à Cenicientos, les choses s'y passent comme vous dites. Vous verrez, vous y rajeunirez.
    Dolores Encarnacion del Santisimo Sacramento Estupiñan Otavalo


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