mardi 8 septembre 2015

Pompom Girl


Dans 2 heures, Diego Urdiales sera là. Mon chouchou. Juste en bas. Au Café Torero. C’est marqué sur l’affiche : à 21h00 il doit recevoir le prix  de « La excelencia en el toreo ». Avant lui, Juan Mora, Javier Castaño et El Fundi l’ont reçu. C’est vraiment bien que ce soit lui qui vienne compléter la liste.

A 21 heures donc, dans à peine deux petites heures, Diego Urdiales se verrait décerner le prix de l’excellence du toreo et moi, je serai là. Douchée. Maquillée. Parfumée. Coiffée. Pompom girl. Avec un pantalon pas troué et un chemisier bien repassé (la petite jupe et le tee-shirt trop court, j’ai pas osé). Quand on est une fille, rencontrer un de ses toreros préférés, c’est pas rien. Il faut se donner un peu de mal… C’est la moindre des choses.

Ayé, c’est l’heure. Il y a du monde mais pas trop. Curieuse atmosphère à la fois électrique et intime, faite d’excitation enfantine et de patience respectueuse. Tout le monde parle un peu trop fort. Il arrive, bien sûr un peu en retard mais pas trop, accompagné d’un vieux monsieur qui a l’air gentil et de quelques jeunes gens qui, eux aussi, se sont douchés, parfumés, coiffés, et vêtus de chemises encore mieux repassées que la mienne… Et puis aussi, il y a quelques autres pompom girls (en petite jupe et tee-shirt trop court, elles).

Il est vraiment tout petit. Il prend le temps de s’arrêter auprès de chaque groupe, d’abrazer tout le monde et de papoter quelques instants avec chacun. Quand il arrive en face de moi, c’est le début de la confusion. D’où je viens ? De France. Du Mans. Tu vois où c’est ? Non, il voit pas. Alors j’en rajoute, j’explique, je précise, j’y vais des 24 heures, des rillettes et des 200 kilomètres à l’ouest de Paris. Et puis je réalise que j’ai Diego Urdiales en face de moi et que c’est pas de l’histoire des Plantagenet que j’ai envie de parler avec lui. Alors, je tente habilement de ramener la conversation sur les toros...

Et là, c’est le drame. Perdue entre les « hubiera », « habia », « hubo » « habra » et autres « habria », je me mets à parler au passé au lieu de parler au futur. Comme il est gentil Diego et que c’est un grand professionnel, il fait le job, il s'adapte, et lui aussi, il me parle du passé. De quand il est venu en France, à Arles en 2010. Est-ce que j’y étais ? Oui ! ! ! D’ailleurs je me souviens, cette fois-là, je l’ai pas aimé du tout...
Voilà comment je me suis retrouvée à expliquer à Urdiales himself qu’il avait été assez vulgaire, pas du tout lidiador, et que ce jour-là, il m’avait beaucoup déçue. Rien de moins. Faut le savoir, une pompom girl, ça ose tout.
Réalisant ma bévue, je cherche un moyen adroit (en vérité, à ce stade, même maladroit, ça aurait fait l’affaire) d’évoquer les naturelles d’Otoño dernier péguées au 2ème Adolfo, les lidias savantes des Victorino dominicaux de Bilbao mais, c’est ballot, c’est précisément cet instant-là que choisit le preux maestro pour capter le regard d’une dame (qui n’avait rien d’une pompom girl, croyez-moi) et s’enfuir précipitamment vers elle en me saluant aussi courtoisement que définitivement. 

J’en suis restée comme deux ronds de flan mais, à peine ai-je eu le temps de prendre pleinement conscience de ma balourdise qu’un vieil homme aux cheveux blanc (celui-là même qui accompagnait Diego) se précipite sur moi et, avec abondance d’abrazos, me fait les louanges de l’aficion française. Chat échaudé craignant de deviser dans la langue de Sara Montiel, j’évite de questionner le vieux et m’abstiens de m’étonner qu’il sache que je sois française.
Un gars s’approche de nous. Est-ce que je veux une photo de moi avec le monsieur ? Non, je veux pas, non. Le gars fait quand même la photo (mon espagnol doit vraiment laisser à désirer). 
Rapidement, la glorification du sérieux des différentes plazas de France se fait pesante et je fais semblant de reconnaître quelqu’un dans la foule pour échapper à cet homme qui semble tant nous apprécier.
Cinq minutes plus tard, le grand-père recroise mon chemin, ne manque pas de me décocher un grand et bon sourire… et vlan ! me reprend le chou sur notre foutue aficion à nous les français et me parle du bonheur qu’il éprouve à rencontrer une de ses jeunes représentantes (sic).
A ce moment, le fiasco de ma rencontre avec Diego me pèse vraiment beaucoup et ma détresse est telle que j’en oublie les règles fondamentales du savoir-vivre. Je détourne ostensiblement le regard et je me tire.
Après la troisième tentative de rapprochement du vieil homme aux cheveux blancs (que j'ai remarquablement esquivée), je finis par aller voir la jeune femme avec qui j’ai papoté un plus tôt dans la soirée et je lui demande, un brin excédée « Quien es este hombre con el pelo blanco ? ». Elle a été un peu surprise de ma question mais elle m’a répondu très gentiment, en riant. 

Alors, j’ai pris mon sac et je suis sortie.
Quelques rues plus loin, je suis entrée dans un pub irlandais et j’ai commandé une Guiness.
Une pinte.
Là au moins j’étais tranquille. Pas un torero à l'horizon.
Aucun risque de faire fuir Diego Urdiales.
Aucune chance de mépriser ouvertement et sans vergogne Santiago Martín Sánchez… "El Viti". 

Zanzibar

1 commentaire:

  1. Ouh la la, snif ! :''- (
    Pour votre pénitence, vous réciterez trois fois la liste complète des "Clases de estocadas segun la colocacion, profundidad y direccion".
    Allez, ça sera pour la prochaine fois!

    Bizzzs

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