samedi 26 septembre 2015

L’héritage de Gaona (2)

Gaona ne s’est pas contenté de verser sa gaonera au grand dictionnaire des passes du 20ème siècle. Il nous a aussi légué sa fameuse « Paire de Pampelune » (qui rendait verts de jalousie les toreros banderilleros de l’époque) ainsi qu’un nombre impressionnant de « buzz » (qui aurait de quoi rendre verts de jalousie ceux qui, depuis, ont fait de la rumeur et du retentissement médiatique une véritable stratégie de carrière). 

On dit que tout le monde s’arrêtait de respirer pour mieux le regarder clouer les bâtonnets. On dit que Joselito ne l’invitait pas à partager les banderilles par esprit de competencia mais pour le seul plaisir de le regarder accomplir la suerte comme nul autre en son temps.
En marchant face au taureau, juste un instant avant l’action, invariablement, il choquait les extrémités des deux banderilles avant de lever les bras, d’opérer la réunion et de poser par le tout haut, comme si les banderilles étaient collées l’une à l’autre. Puis, il économisait ses mouvements et sortait en marchant, s’éloignant respectueusement du toro, au même rythme que celui qu’il avait en s’en approchant, tout aussi respectueusement.

Un jour à Pampelune, comme tant d’autres jours ailleurs, Gaona a été ovationné. C’était le 8 juillet 1915, au temps où la photographie était en plein essor et sa technique en plein perfectionnement. Ce jour-là, Aurelio Rodero était dans les gradins. Il a pris la photo de ce qui deviendra la plus populaire paire de banderilles de la galaxie tout entière : El Par de Pamplona. Le toro (de  Concha y Sierra) s’appelle « Cigarrito ». Si l’on se réfère aux reseñas de l’époque, ce ne fut pas un deuxième tiers extraordinaire pour Ganoa, mais juste une très bonne paire. De ce cliché mythique, on a fait des statues, des affiches de film et des boites d’allumettes. Certains sont devenus toreros grâce à cette photo…

Côté « buzz », le pauvre Gaona aura été servi. A peine eut-il passé la bague au doigt de l’actrice Carmen Ruiz Moragas qu’on ne parlait plus que de leur couple dans les journaux… En effet, son mariage avec El Indio Bravo n’avait pas incité la belle à quitter son amant, l’amour de sa vie, le Roi Alfonso XIII. Gaona, si respecté dans les ruedos, n’a pas supporté d’être la risée de tout le monde taurin et extra-taurin dès qu’il mettait un pied dans la rue. Au bout de deux mois, il divorçait. 

Quelques années avant, ce fut Maria Luisa Noecker qui lui valut la une des journaux pendant plusieurs mois et quelques 22 jours de prison. El Diario, El Imparcial et El Pais rivalisaient de scoops au sujet d’une sombre affaire de viol rématée par le suicide de la jeune Maria Luisa à laquelle aurait été mêlé le torero. Le feuilleton a subjugué le Mexique. L’opinion publique « qui a toujours raison » a agoni Gaona avant que les petites gens ne prennent la défense de leur héros et n’aillent en masse se poster devant la prison de Belen pour réclamer sa liberté. Le torero en est sorti sous caution. Et sous l’ovation. On n'se r'fait pas !


Source : Discover Yale Digital Content & Fondo Diaz de Leon
 Zanzibar

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