Après avoir vécu une succession de tragédies dans l’indifférence la
plus totale, le banderillero Román "El Chato" Guzmán et le picador
Saturnino Bolio « Barana » n’en peuvent plus et se sont jurer coûte que coûte
de faire aboutir leur projet d’association des subalternes mexicains. Ce sont
les évènements du 2 novembre 1932 qui servent de déclencheur et marquent
véritablement leur entrée en révolte contre le mundillo.
Morelia, 2 novembre 1932. Au lendemain d’une course à
laquelle ils participaient, El Chato et Barana descendent de leur chambre et
attendent leur matador pour aller petit-déjeuner. Je ne sais pas à quelle heure
exactement ils se sont levés mais ce n’est que vers 11h00 que Germán Figaredo, l’hôtelier,
leur a dit qu’il était inutile de patienter plus longtemps : le matador et
son apoderado avaient quitté l’hôtel à l’aube. Une fois de plus, les deux
acolytes se retrouvaient seuls, négligés par leur patron et sans un sou pour
rentrer à la capitale. Pendant le petit déjeuner que leur a offert l’hôtelier
avec bonté, Barana, dégoûté, a tenu à peu près ce discours « Tu vois
Chato, si on gagne cette bataille, nous pourrons rendre grâce à dieu, si en
revanche nous la perdons, on peut prendre notre retraite, toi de banderillero,
moi de picador ». Ils en étaient là
de leurs élucubrations quand le Señor Figaredo s’est approché d’eux pour leur
demander comment ils comptaient rentrer à Mexico. Barana lui a répondu qu’ils
n’avaient d’autre choix que de mettre en gage leurs capotes et leurs costumes…
ce qu’ils n’eurent pas à faire lorsque l’hôtelier leur eut généreusement remis
50 pesos à chacun.
Ce don de 50 pesos, c’est la
goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les subalternes devaient se libérer
du joug des matadors et ne plus devoir leur survie financière à la générosité
d’autrui. Le sort était jeté, l’Union allait voir le jour. Ce métier était le
seul qu’ils connaissaient et le seul grâce auquel ils pouvaient nourrir leur
famille. Quelles que soient les embûches, ils se battraient pour être reconnus,
payés et respectés.
Sur le trajet de Morelia à Mexico,
El Chato et Barana ont dressé la liste des difficultés qu’ils s’apprêtaient à
devoir affronter : les empresarios pour sûr, les matadors et les
novilleros évidemment, mais par-dessus tout, certains de leurs compañeros
picadors et banderilleros qui bénéficiaient des largesses et des faveurs de
certaines empresas. Ceux-là pensaient qu’il était ridicule de prétendre à
l’indépendance, se gaussaient des deux perturbateurs et tournaient
ostensiblement le dos à leur « conspiration ».
A leur retour à Mexico, les discussions
autour du projet d’association des subalternes reprennent bon train. Mais les
deux amis ont décidé de ne pas se contenter de prêcher dans la capitale :
à partir du mois de novembre 1932, chaque fois qu’ils toréent dans n’importe
quel état du Mexique, Barana et le Chato exposent leurs plans à leurs compañeros. Leur objectif est
d’atteindre le plus rapidement possible le quota d’adhérents imposé par la loi
pour pouvoir fonder le syndicat. Le projet est parfois accueilli avec sérénité,
d’autres fois avec indifférence, et d’autres fois encore avec moquerie ou pessimisme. Toutefois, Antonio
Velázquez (alors banderillero), "El Mochito", et quelques autres
subalternes ont sur le coup approuvé le projet.
Las, nombreux sont ceux qui ont
rapidement fait machine arrière…
(A suivre...)
Zanzibar
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