Aller aux toros, on
le sait, c’est prendre le risque d’étouffer sous une chape d’ennui pendant
quelques 120 minutes au moment où les autres, les bienheureux autres, profitent
de l’entrée gratuite au Prado, s’offrent une glace chocolat-pistache en
déambulant dans les rues encore chaudes de la ville, ou bien même patientent
anxieusement chez le dentiste avec la consolation de savoir qu’ils se sentiront
mieux après.
Assister à la course des 6 inutiles et vaguement nobles toros du Puerto de San Lorenzo & Co sortis samedi à Madrid relevait
du sacerdoce. Il m’a même traversé l’esprit que la privation de sommeil et le
jeûne devaient être des pratiques de pénitence moins pénibles (mais force est
d’avouer que j’ai radicalement changé d’avis sur ce dernier point aux alentours
de 22 ou 23 heures).
Comme de juste, les 12 piques prises de salon évoquèrent peu
(ou plus précisément pas du tout) la bravoure dont il est question dans les livres
d’initiation à la corrida (même les
plus récents).
Avec une telle opposition, les efforts très très très peu
convaincants d’Alberto Aguilar n’ont
sans contredit pas permis de libérer le moindre atome, que dis-je, le moindre
proton d’émotion.
Joselito Adame a
montré moins de bagage technique que les novilleros
de la veille. Il se jette à corps perdu dans une espèce de faena-ninja, passant plus de temps en l’air, derrière et sous le
toro qu’en face. Il a été mauvais, mais ceux qui ont un cœur (et un péroné) ont
applaudi l’épée portée dents serrées, tête sonnée et jambe chancelante. Le
mexicain ne ressortira pas de l’infirmerie.
Après nous avoir fait l’honneur équivoque de nous brinder son second « adversaire », Jimenez Fortes a réussi l’exploit de
nous faire tomber dans une torpeur encore plus profonde que celle qui nous a
engloutis lors de sa première faena.
L’inconvénient d’aimer les toros, c’est que ça nous oblige parfois à entretenir un rapport
étrange avec le temps qui passe. Cette corrida,
je vous le jure, aura bien duré 6
heures...
Zanzibar
Zanzibar
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