Naguère, le 10 mars 1998, le sévillan José Domingo Ruiz
Florencio a entendu deux habitués des clients de son entreprise dénigrer Curro Romero. Profondément outragé
par de tels propos (on s’était moqué du peu de courses toréées par le Faraón de
Camas cette année-là), Ruiz Florencio a haussé le ton et en serait volontiers
venu aux mains s’il n’avait été arrêté dans son élan par un gardien. Quelques
minutes plus tard, il était remercié par son patron.
En février 1999, ce licenciement a été jugé abusif par la
Chambre sociale du Tribunal Supérieur de Justice de Séville. En effet, le juge
a estimé que l’admiration qu’un aficionado sévillan pouvait porter à Curro
Romero était un sentiment « exigeant le plus grand respect de la part de
ceux qui le partagent, comme de ceux ne le partageant pas, et que lorsqu’on
venait à lui en manquer, une réaction ardemment défensive, de la part de celui
qui se considérait offensé, était à prévoir ». Le magistrat n’a pas hésité
à ajouter que le currisme était « un sentiment plus enraciné et profond
qu’aucun autre, source d’une joie permanente, d’une inconditionnelle espérance
et d’une façon de concevoir la vie »*. Una
forma de entender la vida. Rien de moins.
Ruiz Florencio a dû être réintégré par son employeur qui a
été condamné à prendre en charge les frais de justice. Manuel Cisneros, l’apoderado
de Curro Romero a affirmé que son poulain serait enchanté de cette sentence.
Mais ça, c'était avant.
Il y a quelques jours, le Tribunal Supérieur de Justice de
Madrid a donné suite à la plainte d'une association animaliste qui dénonçait la mort de neuf
novillos durant le tournage du très beau Blancanieves (les novillos toréés pour
les besoins du film, devenus de ce fait impropres à une lidia ultérieure, ont finalement
été tués dans les corrales de la plaza d’Aranjuez au fusil d’abattoir avant d’y être envoyés).
A ma connaissance, au fil des sentences et des recours, il a beaucoup été question des articles 24.3.g), 24.3.c) et 24.3.d) de la Loi 1/1990 et de l'article 14.d) de la Loi
32/2007. Il semble en outre que le juge ait longuement évoqué certaine procédure disciplinaire. En revanche, toujours à ma connaissance, il a été assez peu question de sentiment. Otra
forma de entender la vida. Rien de plus.
NB : Avant de recevoir son
Goya et de présenter son film aux Oscars dans la catégorie du Meilleur Film Étranger en 2013, Pablo Berger avait déjà dû surmonter
les pires obstacles : sept ans pour trouver des financements, tourner et être
enfin distribué.
Culture et tauromachie ne font décidément pas bon ménage...
Zanzibar
* Merci à Alain Lavaud pour la traduction de la décision de
justice.
la justice façon pomme empoisonnée!
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