Juncal a fait son tout premier paseo sur TVE, en 1984. Cinq ans plus
tard, son père, le réalisateur Jaime de Armiñán, lui en fera faire quelques autres, toujours
sur TVE. C’est comme ça qu’à partir de février 89, les espagnols découvrent les
sept épisodes d’une série taurine au casting impressionnant : Paco Rabal, Rafael
Álvarez "El Brujo", Fernando Fernán Gómez, Carmen de la Maza, Lola
Flores, Luis Miguel Calvo (qui joue le rôle du fils du vieux matador et a
parfois été annoncé dans les ruedos sous
le nom de Juncal après la série), et tout un tas d'autres grands noms du cinéma espagnol.
José Miguel Arroyo ‘Joselito’ dira
de Juncal : « Pour moi, ça a été une grande découverte. Dans Juncal, j’ai
retrouvé tout ce que vivait et ressentait un torero, car nous sommes comme ça : passionnés, polissons,
artistes… Ici, tout est dit. Nous les toreros
vivons par et pour le toreo, c’est
pourquoi nous sommes mauvais gestionnaires, mauvais époux… Nous ne savons rien
faire d’autre que toréer. J’ai pleuré en regardant Juncal ».
Mais point n’est besoin d’être torero pour apprécier Juncal.
Dernièrement, un ami joueur de pelote et d'hamonium à ses heures perdues m’écrivait : « Le
soir nous sommes engloutis par les aventures de notre désormais voisin, parent
et ami andalou ‘Juncal’ que nous considérions d'un œil goguenard au chapitre 1
mais qui nous a envoûté dès le chapitre 2 ».
Point n’est même besoin d’aimer beaucoup
la corrida pour tomber sous le charme
de la série (il suffit de ne pas y être hostile car elle y est bien présente et
on n’y occulte pas particulièrement les tercios
de varas). La puissance du sortilège tient incontestablement à la galerie de
personnages savoureux au premier rang desquels on trouve José Álvarez ‘Juncal’, symbole intemporel
de la picaresque espagnole littéralement et magistralement incarné par Don Francisco Rabal.
Au sujet de cet osmose entre le personnage et son acteur, Fernando
Fernán Gómez (merveilleux Padre Camprecios dans la série) aura cette réflexion : « On ne sait pas si le personnage imaginé par Jaime de Armiñán sort de la vie courante, quotidienne, ou s’il existe ou s’il a existé, si De Armiñán le connait ou l’a connu, ou s’il en a entendu parler, comment il put être différent de ce que nous avons vu dans la série du torero à la retraite ; comment l’authentique Juncal peut avoir l’expression du visage, les gestes, le regard, la voix qui ne soient ceux de Rabal. Il ne me vient pas à l’esprit de cas où l’adéquation est si forte entre comédien et personnage comme ce Francisco Juncal. »
Jaime de Armiñán raconte que Rabal est tellement devenu Juncal
que lorsque l’acteur se rendait à Las Ventas, les banderilleros le saluaient d’un très professionnel « Buenos
días, Maestro ». Pas parce qu'il était une figura du 7ème art, non. Parce qu'il avait été un grand torero,
fauché en pleine gloire, et dont aujourd'hui encore les réparties résonnent dans les rues de Madrid et des pueblos andalous (pour se régaler, y'a qu'à cliquer !).
Juncal n’a jamais existé.
Mais Juncal, c’est Rabal.
Or Rabal a existé.
Donc Juncal a existé.
C'est l'évidence.
Zanzibar
ole.
RépondreSupprimerPaco Rabal pour moi c'est aussi Antonio vieux communiste andalou dans "L'homme qui a perdu son hombre" d'Alain Tanner ( cinéaste aussi du superbe "dans la ville blanche" où Lisbonne est magnifiée). Avec cette réplique culte alors que lui et son jeune ami français en révolte idéologique sont dans une borrachera de catégorie " Moi aussi yé trop bou...mais yé encore soif !" (Rabal parle gabacho dans le film,ce n'est pas un doublage approximatif).
Un saludo.
ludo