dimanche 23 février 2014

Nunuche


Falla dans les rues de Valencia en 2009

Les premiers toros de l’année sont différents des autres. On y pense dès que les jours commencent à rallonger. En fait, on y pense déjà un peu avant mais on n’ose pas trop en parler. Il faut savoir hiberner. Néanmoins, dès Noël on s’interroge : où va-t-on aller voir ces foutus premiers toros qui auront tant été rêvés ?

Quand on est nunuche, on n’a pas peur de passer pour une imbécile. Tel Ulysse, on s’accroche au mât et on résiste au chant des Dorores Aguirre. Non, on n’ira pas à Saint Martin de Crau cette année. La politique de la chaise vide, c’est pas très constructif mais c’est encore le seul moyen qu’on a trouvé de manifester son indignation pour les couleuvres mal digérées des deux dernières années.

Quand on est nunuche, on a l'idée fumeuse d'aller à Valencia. On passe l’hiver à faire sa pelote, on ne va pas chez le coiffeur, on n’achète pas de maquillage, et bien sûr, on ne fait pas les soldes. Difficile d’être nunuche et coquette à la fois, croyez-en ma grande expérience. Bref. Quand on est nunuche, on économise sou à sou, avec le sourire, pour avoir le plaisir de louer à un hôtelier probablement acariâtre une chambre ruineuse qui ne dispose pas pour autant d’une fenêtre.

On a beau être nunuche, on prépare quand même un plan B (le Carnaval del Toro de Ciudad Rodrigo) et un plan C (Berlin). Au cas où. Mais comme c’est pas parce qu’on est nunuche qu’on est forcément chanceuse, on est obligée de poser ses congés avant la sortie des carteles. Alors, on réfléchit. Am, stram, gram, pic et pic et colégram, bour et bour et ratatam, am, stram, gram. On pose 4 jours sur la fin des Fallas et on prend son billet d’avion dans la foulée. Et dix jours plus tard, on éclate en sanglots.

C'est la tuile, mais on tente de faire bonne figure face à cette infortune. On ira visiter les musées. Et puis il y aura les mascletàs, les menus del dia, et la mer. Et puis, on n’est vraiment pas tenue d’acheter une entrada pour la course tous les jours, hein. Non, c’est vrai, c'est pas obligatoire... Mais c'est sans compter qu'on ne sait pas être nunuche à moitié. Pire, on va jusqu’à se dire qu’après tant de déveine, on aura peut-être la chance de voir un ou deux grands toros, que Morante pourra incidemment se montrer lidiador, et que Ponce, en sa basilique, ira mater quelque réticent en querencia. Pour le Juli, Manzanares et Perera, on n’a pas encore trouvé de raisons de se réjouir… Mais faut être charitable : quand on est nunuche, on manque parfois d’imagination.

Réflexion faite, on aurait quand même été bien inspirée de retarder la première virée taurine de quelques semaines et de se rendre à Séville plutôt qu’à Valencia. La place étant vacante, on aurait pu y voir des toros présentés correctement (j'ai failli dire "comme au campo" mais vaut mieux pas) dont quelques-uns auraient pu montrer l’étendue de leur bravoure grâce à tout un tas de toreros certes modestes et imparfaits mais sérieux, ambitieux, honnêtes et heureux de toréer, tirant la bourre à quelques anciens trainant casseroles et fulgurances.
Mais qu'on est con ! Pardon. Nunuche... C'est pas parce que les 5 nababs lui font la grâce de la bouder que Séville va profiter de cette aubaine pour annoncer Sergio Aguilar, Antonio Nazare, Ivan Garcia, Alberto Aguilar, Joselito Adame, Eduardo Gallo, Sergio Flores, Oliva Soto, Luis Vilches, El Payo, Fandiño, Joselillo, et cinq ou six autres qu’on ne connait pas encore au côté du Cid, de Diego Urdiales, de Juan Mora, de Fernando Robleño, de Antonio Ferrera, de Manolo Sanchez, de Luis Francisco Esplá, du Fundi ou du Pana. Ah non, c'est vrai, les derniers pour sûr ne viendront pas.

Mais que voulez-vous... Les nunuches sont toujours un peu rêveuses.

Zanzibar

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