Photo © "Tehel" |
C'était plein à Ronda samedi dernier pour la Goyesca.
A l'ombre, les messieurs en blazer de lin se congratulaient et les dames
affichaient toilettes distinguées et sourires carnassiers.
Et pour le cas où l'on ne saurait pas, sur un petit mouchoir satiné
distribué larga manu à l'entrée des tendidos figurait, outre le
programme : Con este panuelo pida la oreja.
Une supplique ? Un ordre ? Une indication pour les touristes ? (dans ce
cas, il aurait fallu l'écrire en anglais).
De fait, les oreilles tombèrent comme à Gravelotte pour des prestations affligeantes : des toros de Zalduendo d'une faiblesse sans nom, bouche ouverte dès le deuxième tiers après des micro-piques même pas "ouvre-boitées". En faena, ils ne chargeaient plus mais progressaient par petits bonds sous une avalanche de toques, version taurine du dead cat bounce !
Ironiquement, c'est celui qui fut le moins récompensé (Perera) qui fut à
l'origine du seul moment d'un petit peu d'émotion : à la fin de son premier, une
série de manoletinas espacées et très exposées, laissant longuement le toro respirer, imposant une rupture de rythme judicieuse, créant attente et
tension, puis déclenchant la charge d'un seul mouvement de tête, con
aguante. Le tout rehaussé d'un chorus de trompette pianissimo que le
maestro (celui de la musique) réglait suivant les passes. Du bel effet,
mais ce fut tout pour l'après-midi.
Et avec un touchant ensemble, à chaque toro, les blazers de lin et les
sourires carnassiers agitaient leurs petits mouchoirs satinés, systématiquement
et frénétiquement. Un peu comme autrefois à Barcelone quand un bon tiers des
gradins était occupé par des touristes japonais qui pensaient qu'agiter le
mouchoir faisait partie d'un rite obligé à la charge du spectateur. Ils sont
disciplinés les japonais, alors ils agitaient, ils agitaient... Et aujourd'hui,
ils ne peuvent plus.
A Ronda, ça n'est pas par discipline qu'ils se fatiguent les poignets, mais
par une espèce d'auto-persuasion enivrée que tout chez eux est fantastique ; une
plaza historique, une goyesca à sa 58ème édition, des figuras... Tout est
merveilleux.
L'autre coup de force fut de fournir dès le dimanche (toujours aussi
généreusement, à l'entrée des tendidos) une revue sur papier glacé d'une
dizaine de pages avec photos et commentaires (dithyrambiques) de la course de la
veille... et bien sûr un autre pañuelo. Les rotatives ont dû tourner
toute la nuit. Ils font les choses bien à Ronda.
Tehel
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