"La terre est la planète que nous
habitons. Y vit-on bien, y vit-on mal ? Sur ce point, les avis sont
partagés. Les toreros ont résolu cette difficulté, eux et toute l’humanité qui
vit dans leur entourage, qui participe à leur vie et ne vit que d’elle. A leur
usage, ils ont construit une planète qui consent bien à tourner avec la terre,
selon le même orbe et le même rythme, mais qui n’a rien de commun avec elle. C’est
la planète des toros. Rien n’y est vulgaire comme sur notre planète. C’est le
dernier refuge du merveilleux picaresque. Pour ceux qui l’habitent, la vie n’est
que fantasmagories et prodiges sans fin. Heureuse planète des toros !
Ce monde merveilleux comprend
trois castes : les toreros, les valets d’épée et ceux que nous appellerons
les taurins. Soyons généreux, et
accordons une place, parmi ces privilégiés, à quelques éleveurs et aussi à
quelques amis des toreros. Du coup, me voici admis dans ce paradis…
Parlons du taurin. C’est ce
personnage qui vit dans les coulisses de la fiesta.
Il lui apporte une collaboration parfois importante, souvent inutile, mais à
ses yeux toujours fondamentale. Cette collaboration s’exerce sur des plans très
divers. En premier lieu, pour le taurin pur, elle consiste essentiellement à dire
du bien de certains toreros et du mal des autres. Activité tranquille et suave
qui occupe intégralement ses journées et une bonne partie de ses nuits. Pour le
surplus, il vit au jour le jour, et, bien entendu, uniquement d’expédients,
extorquant cent pesetas à tel torero, cinquante à tel autre. Le fait est qu’il
vit et prospère sans jamais mettre un pied hors de la planète des toros, la
plus petite des planètes connues. Ce monde enchanté tient entre deux limites :
un café et la plaza du lieu. Le
reste, c’est la planète terre, et le taurin s’y aventure, quand il ne peut
faire autrement, comme s’il devait marcher sur des charbons ardents."
Antonio Diaz-Cañabate - Extrait de "Au cœur de la corrida"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire