Dans le hangar d’une ancienne conserverie de poisson de San
Diego, Lindbergh s’obstine pendant des heures et des heures à faire démonter
puis remonter le moteur de son avion. Quand les gars en charge de la
construction du Spirit of St. Louis lui demandent pourquoi il s’acharne de la
sorte, celui qui n’est encore qu’un obscur rêveur rétorque : « Parce
que je ne sais pas nager ».
On est en 1927 et, quelques semaines plus tard, c’est un
aviateur anonyme, maniaque et taiseux qui décolle de Long Island. Trente-trois
heures et trente minutes plus tard, c’est un héros qui atterrit au Bourget.
En décembre de cette même année, faisant fi des
admonestations des animalistes déjà cités en bonne place dans les reseñas de
l’époque, Lindbergh assiste à une corrida organisée en son honneur à la plaza
de toros « El Toreo » de Mexico.
Dépucelage taurin en grande pompe : abondante ovation
pour l’aviateur dont le nom apparait sur le ruedo,
cartel de choix, soleil et jolies pépés sont au rendez-vous. Las, la bonne
volonté du Niño de la Palma et le capote créatif de Pepe Ortiz face aux très
mexicains taureaux de La Laguna n’ont pas fait chavirer Lindy. Il faut dire que
sur les questions de l’adversité, du pundonor,
et des sorties a hombros, il en
connait un rayon le garçon…
Pour se voir brinder un toro et offrir un capote de paseo par Pepe Ortiz, Lindbergh avait volé plus de vingt-sept
heures d’une traite entre Washington et Mexico et aguanté quelques avatars… « Il descend de la côte est du Texas, avant
de s’engager dans la vallée de Mexico, mais il constate qu’il n’est pas au bon
endroit. Trompé par une mer de brouillard, il a dévié de sa trajectoire. Comme
il se réfère à une carte rudimentaire, il ne trouve aucun repère. Il sillonne
le ciel pendant des heures avec l’espoir de détecter des voies ferrées qui
coïncideraient avec celles figurant sur sa carte, puis, faute de mieux, se
résout à suivre des rails à une altitude suffisamment basse pour lire le nom
des gares. La fatigue finit par l’égarer autant que l’absence d’indications. U
instant, il croit identifier un village grâce à une pancarte signalant «
Caballeros », puis il réalise que ce terme mexicain signifie « toilette pour
hommes » ! Puis, au-dessus d’une ville, il réussit à lire « Hotel Toluca ». Or,
Toluca apparait sur sa carte et se situe à environ 45 kilomètres à l’ouest de
son but, l’aéroport Valbuena où, en cet après-midi ensoleillé, l’attendent avec
une impatience délirante cent cinquante mille personnes, dont la plupart ont
passé la nuit sur le terrain et ses abords. »*
Quand on lui a demandé ce qu’il avait pensé de la course, l’aviateur
a laconiquement répondu « Well, I have seen things I enjoyed more ».
Zanzibar
* Source : Lindbergh, l’ange noir de Bernard Marck
* Source : Lindbergh, l’ange noir de Bernard Marck
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