Depuis l’époque où, dans le haut Vallespir, on faisait « courir »
dans des arènes de fortune, les vaches de la montagne, la corrida est descendue
vers la petite ville.
Cela a commencé à la Place du Château où, si on y guillotinait
les « trabucaires », il ne semble pas qu’il y ait eu de mises à mort
de toros. Puis, avant 1914, il y eut les arènes en bois de l’ancien « escourxadou » ;
pour le Saint Ferréol on y donnait chaque année six toros dont le dernier était
mis à mort. C’était l’époque glorieuse de l’Arlésien Altèze, héros attitré de ces fêtes, c’était l’époque où la grande prouesse des gamins de la
ville consistait à s’échapper de leurs quartiers pour rôder autour de l’abattoir,
les grands s’emparaient des cornes des bœufs qu’on venait d’abattre pour « faire »
les toros, et les autres, honneur insigne, jouaient aux toréros. C’était le
commencement de la Corrida à Céret.
Entre les deux guerres, des arènes y furent construites en dur. Elles nous permirent d’avoir et de voir des « corridas formelles » et à l’aficion du Vallespir de se polariser autour de sa Sous-Préfecture. National II nous initia aux lances de cape émouvantes avec son « pont tragique », Barajas fut le premier à y banderiller avec brio et Luis Freg, l’homme aux cinquante-six blessures, nous y donna le goût du courage et de l’estocade classique.
Mais, ensuite, l’alternance des cartels de fortune et des
capéas sans picadors fit que, au lieu de progresser, le public s’embourba dans
la médiocrité.
Après 1944, ce fut la série noire des spectacles sans valeur,
des courses sans toros, des toréadors sans vergogne et souvent des sans…culottes
– ce qui était bien plus le signe de leur médiocrité que de leur courage –.
Alors, le véritable aficionado en était à regretter les rodomontades, au moins
amusantes, de « Romanones » devant le toro « emboulé » et
certains, revenant déçus des arènes disaient : « Pour Céret… pour
Céret ce n’était pas si mal… » Seulement les arènes de Céret étaient en
train de sombrer dans l’abomination de la désolation.
Et voici que, depuis une dizaine d’années, sous l’impulsion
d’une Direction nouvelle et intelligente – sans doute aficionada aussi, ce qui
est rare et ne gâte rien – on a compris que le public Cérétan était
naturellement porté vers la corrida et que, ce dont il avait le plus besoin, c’était
de voir de Vrais Toros et de bons toréros pour mieux comprendre et apprendre et
pour mieux éprouver ce besoin impératif de revenir aux Toros. Des toréros,
jeunes alors, et qui, plus tard, se sont affirmés tels que El Viti, Pedrosa,
Puerta et Herrera, se sont succédé dans nos arènes. Pendant dix ans la
novillada, avec des bêtes et des toreros valables, fut renouvelée à peu près
sans interruption. A la pantalonnade succédait enfin le combat véritable, la
corrida reprenait tout son sens et le public s’épanouissait à telle enseigne qu’on
nous annonce que, dès 1962, les quatre tardes de ces dernières années vont être
portées à six.
A force de voir un toréo, modeste sans doute, mais vrai et
authentique dans sa sincérité devant des toros de respect, le Catalan du
Roussillon et du Vallespir, dépourvu, lui, de préjugés vis-à-vis de l’Espagne,
a pu donner libre cours à son aficion certaine et la petite cité Cérétane est
devenue la seule de Catalogne (Barcelone excepté) et du Roussillon où la
corrida est le mieux implantée et le mieux comprise, où elle progresse et où l’aficion
se forme.
Sans doute tout n’est pas encore parfait, loin de là, mais l’élan
est donné et si la bonne voie n’est pas délaissée pourquoi, après avoir été appelée
la Mecque du Cubisme, Céret ne deviendrait-elle pas La Mecque de l’Aficion
Catalane ?
Paul Ey – Extrait de « Le Catalan, le Cérétan et les Toros
» – Article publié dans le magnifique « Toros en Céret » (en 1962, je
crois)
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