Parmi les évolutions de la
tauromachie moderne, il y a celles – comme, par exemple, le caparaçon – sur lesquelles
on ne reviendra pas.
Et puis il y a les autres, celles
qui s’imposent par effet de mode, par négligence, ou par confort, et qui ne
sont en fait que de mauvaises habitudes.
Dans ce dernier registre, l’ « évolution »
qui me parait à la fois la plus nuisible et la plus aberrante est celle qui consiste
pour le matador à délaisser la lourde épée de mort au profit de la légère épée
factice pendant tout le travail de muleta.
Si j’osais, je dirais même qu’il s’agit là du péché originel de la tauromachie
moderne. Ou, au moins, d’une hérésie.
De fait, sans l’épée, un matador
ne peut pas tuer. Et face à un matador inoffensif (oxymore, s’il en est !),
pourquoi l’idée de diminuer d’autant l’adversaire ne deviendrait-elle pas sournoisement
acceptable ?
Et qu’est-ce qui distingue le
matador des autres toreros (et, partant, lui fait gagner plus d’argent) ? Qu’est-ce
qui justifie de sa condition de matador si ce n'est le port et l’usage de l’épée ? En
choisissant l’épée-jouet, le modèle contrefait, en bois ou en fer blanc, il me
semble que le matador déconsidère un peu sa charge et qu’il égratigne ainsi sa propre
valeur.
Dans les faits, on ne compte plus
les fois où cette irréparable absence d’épée de verdad s’est avérée nuisible au torero qui, en s’éloignant du
toro pour aller chercher son estoque, a compromis un cadrage que le bicho lui offrait dans la foulée de la faena, de manière naturelle.
Je connais bien un certain avocat du diable (que je ne citerai pas
pour ne pas accabler l’Ubano) qui me répondrait que le toro moderne peut
aisément être posé dans un coin du ruedo,
se lâcher du regard sans risque, et ne pas être le moins du monde affecté par la
défection momentanée du matador. Au contraire, ça lui permet de souffler…
Certes. Mais n’empêche ! A-t-on déjà vu un combattant demander à
son adversaire de l’attendre un moment pour aller chercher son
arme ? Au risque de verser dans l’illustration fallacieuse, imaginez le
Blondin tournant quelques instants le dos à Sentenza et Tuco pour aller
récupérer son pistolet…
Il est en outre assez cocasse de
penser qu’une des qualités les plus appréciées chez un matador de toros est
celle de templer, ce qui, me
semble-t-il, consiste à savoir trouver le rythme secret du toro. On attend de
l’homme qu’il se synchronise avec la bête, qu’il découvre sa cadence profonde.
Mieux encore, on valorise l’absence de heurts et de rupture dans l’exécution de
la faena de muleta. Et puis, patatras, on assiste impassiblement à la fracture
imbécile, parfois brutale, toujours artificielle et paresseuse, qui précède la suerte suprême… Quelle absurdité !
Apprécions mieux Morante, César
Jiménez, ou Mario Alcalde lorsqu’ils font l’effort de s’armer de la lourde épée dès la première
passe de muleta.
Et admirons Juan Mora.
Zanzibar
On peut voir un magnifique enchaînement sans "temps mort" sur cette vidéo:
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=of1pjeUBQ7w
Avec les commentaires du maestro en voix off.
Le moment en question est à partir de 3:46
Merci Thierry !
RépondreSupprimerChere Zanzi, ton post me rappelle un excellent papier du Tio Pepe qui se désolait de la même façon que toi, de l'utilisation de l'épée "factice"... et comme tu as raison de le faire ! Or, non pas parce que l'Ubano éclaire souvent mes questions les plus sombes comme chacun de nous, mais juste parce que je me suis fait également la reflexion récemment: comment comparer une lidia 2015 avec une lidia 1915 ? Comment comparer un toro 2015 avec un toro 1915? Bref, un peu comme le ferait Ubano, je pense que ces questions sont de moindres portées, aujourd'hui, avec le matos 2.0 fourni de nos jours. Que dire alors des terrains? Je souleve la question... je n'y reponds pas. ;)
RépondreSupprimerComme dit si bien Léotard : "L'avenir, c'était mieux avant". Mais sur ce coup-là, il s'agit moins de comparer que de redonner du sens. Enfin, je crois...
RépondreSupprimerCeci dit, c'est un plaisir de te voir dans le coin mon grand. J'en profite pour te bisouiller, tiens !
Oui oui, tu as raison, mais ce que je veux dire, c'est qu'avec le toro actuel ( pour ne pas dire "moderne"), il ne faut pas s'etonner que les choses se fassent dans une orthodoxie moindre, ni même forcément y voir un manque ou un changement inopportun... on pourrait d'ailleurs, d'une maniere générale, repenser la chose depuis la sortie du toro, jusqu'à sa mort... quels sont les temps morts nécessaires et ceux, plutôt accessoires. Tant que j'y suis, je te bisouille également.... et à bientot, si j'en crois la rumeur...
RépondreSupprimerEt que ça se bisouille ...sur un blog convenable......et les enfants.....C' EST PAS BIENTÔT FINI OUI ! ?
RépondreSupprimerce juan Mora,c'est bien celui qui se produira en Dax la semaine prochaine?
RépondreSupprimerLui-même !
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